Ce Maroc que nous avons fait
Voici un bon livre et un livre de bonne foi. Nul ne s’en étonnera en notant le nom de l’auteur, grand écrivain, voyageur impénitent et parcoureur passionné des roules, pistes et sentiers marocains. Or, dans son « avertissement », il présente magistralement son livre. Donnons-lui la parole, car au demeurant, nous acquiesçons volontiers à ses propos.
« Voici un livre qui souhaiterait être autre chose qu’un ouvrage de plus sur le Maroc.
« Il a été écrit sans passion, en toute bonne foi, alors que, ici et là-bas, la mauvaise foi et les passions semblent trop souvent maîtresses de l’heure.
« Il ne constitue ni un plaidoyer, ni un réquisitoire ; il s’efforce simplement de rappeler un certain nombre de faits indiscutables et d’affirmer quelques vérités trop négligées dont l’Histoire du Maroc démontre qu’ils forment des sortes de « constantes » dans la vie du Maghreb.
« Ces faits et ces vérités, il est indispensable qu’en France, comme au Maroc, on ne les perde pas de vue, si l’on veut comprendre les causes et les origines de la nouvelle crise que traverse « l’Empire fortuné » !
Si l’on ne veut point s’en exagérer la gravité. Si l’on veut, surtout, la résoudre.
Malheureusement, ici comme là-bas, trop rares sont ceux qui se sont souciés d’étudier le problème marocain à la lueur des expériences et des enseignements du passé.
Or, à celui qui se soucie d’ouvrir les dossiers de l’histoire marocaine, s’imposent, avec force, et les vérités et les constantes dont j’ai parlé tout à l’heure.
Terre de division, de révolte et d’anarchie, le Maroc n’a été, à travers les âges – chaque fois qu’il a été abandonné à lui-même – qu’un vaste foyer de perpétuel désordre et d’insurrection chronique avec de brutales explosions de cruauté et de farouches déchaînements de xénophobie.
De temps immémorial, les peuples du Maroc se sont battus, sans trêve et sans pitié, contre leurs souverains pour qu’ils ne puissent pas réaliser l’unité du Maghreb, ni lui assurer – dans l’ordre et l’autorité – la paix indispensable à tout pays pour grandir et prospérer.
Cette paix, cet ordre et cette autorité, seul le Protectorat français a pu enfin les apporter au Maroc. Oui… mais seulement après vingt-cinq années de luttes et de combats acharnés, et après y avoir sacrifié des dizaines de milliers de jeunes Français parmi les meilleurs de la race.
Grâce au Protectorat – et pour la première fois dans l’histoire – les trois Maroc et leurs peuples ont pu enfin être soudés en un bloc solide et ont trouvé leur unité sous l’autorité d’un sultan unique et d’une dynastie stable, faisant ainsi de leur pays, un État, une Nation.
Par suite de trente années de paix, de travail en commun et de prospérité – sous l’égide de la France et malgré des erreurs et des faiblesses – ces mêmes peuples marocains, enfin unis pour un commun destin, sont devenus le peuple marocain, acquérant, du même coup, le sens d’un nationalisme qu’il avait toujours ignoré ou repoussé et que nous lui avons inculqué – et qu’il retourne contre nous aujourd’hui. ♦