Missions diplomatiques à Fès
Toute l’histoire des relations diplomatiques entre la France et le Maroc ressort de cette magistrale étude.
À l’origine, c’est la mission du colonel de Piton en 1533, auprès du sultan Ahmed ben Mohammed, mission de prise de contact et d’échange de cadeaux. Puis ce sont les ambassades du roi de Navarre (c’est un prince du sang de France et le père de Henri IV) qui se terminent par le traité de paix de 1559.
Durant plus de deux siècles aucune ambassade française n’est plus envoyée au Maroc. C’est Napoléon qui renoue le fil des relations avec la mission du capitaine du génie Burel et de Michel-Ange d’Ornano, en 1805. Après la mission Sourdeau (1825), un hiatus de quarante-six ans s’établit dans les relations franco-marocaines. L’ambassade d’Augustin de Vernouillet en 1887 est la première dont les résultats sont tangibles et engagent l’avenir : une mission militaire française est installée à la cour du sultan.
Les missions qui vont maintenant se succéder s’acheminent, avec des fortunes diverses, vers l’établissement de relations de plus en plus amicales. Ce sont celles de Féraud (1885), de Patecôtre (1889), d’Aubigny (1892), de Mombel (1895), de Descos (1903) pour en arriver aux grandes missions constructives du XXe siècle.
Saint-Aulaire, en 1904, non seulement dissipa des nuages, mais surtout ouvrit la porte à des relations financières et douanières ; il fit enfin confier à l’un de nos officiers, la réorganisation des troupes chérifiennes.
La mission de Saint-René Taillandier, en 1905, correspond à une situation internationale troublée : incident de frontière, confusion dans la situation intérieure du Maroc, nervosité du Maghzen qui envisage de renvoyer la mission militaire française, négociations franco-espagnoles, etc. Les premières négociations prennent un tour favorable, mais l’Allemagne intervient, fait pression et Guillaume II débarque à Tanger. Le sultan en profite pour réclamer une conférence internationale. Les intrigues allemandes sont de plus en plus actives. Delcassé démissionne. La France accepte la conférence. Malgré une très grande habileté et un sens très précis des données du problème marocain, les événements conduisent la mission Saint-René Taillandier à un échec. Mais sa clairvoyance et sa fermeté ont préparé l’avenir.
Après l’acte d’Algésiras, c’est Eugène Regnault qui succède à Saint-René Taillandier, en 1909. Sa mission est une mission éclair (deux mois) mais « elle bat tous les records par le nombre de conférences directes entre le sultan et l’ambassadeur ». Les résultats sont modestes : le commandant Mangin devient le chef des instructeurs étrangers, l’ingénieur Porche est nommé conseiller technique du Maghzen. En même temps El-Mokri est désigné comme ambassadeur à Paris. Ce n’était donc pas un échec.
L’activité d’El-Mokri se poursuit donc à Paris. Mais la situation intérieure du Maroc s’aggrave. Moulay Hafid fait appel aux troupes françaises qui marchent alors sur Fès. À cette nouvelle Guillaume II déclenche « le Coup d’Agadir ». Il faut de longues négociations pour éliminer l’Allemagne du Maroc. Il ne reste plus à la France qu’à s’entendre avec le Maghzen pour arrêter les réformes indispensables.
C’est Eugène Regnault qui est chargé à nouveau de mission. Après quatre jours d’âpres discussions avec le sultan, le traité de protectorat est signé le 30 mars 1912 à midi. Or, la nouvelle de cette signature, répandue prématurément, entraîne la révolte de Fès du 17 avril, rapidement réprimée. Et le 27 avril, le général Lyautey est nommé Commissaire résident général de la République française au Maroc. ♦