À cette réunion de Montreux au niveau des experts des pays signataires de l'Acte final d'Helsinki, il s'agissait, selon les résolutions adoptées à Belgrade en mars 1978 (cf. notre article le numéro de juin 1978), de rechercher « une méthode acceptable de règlement pacifique des différends » (RPD en abrégé, selon le jargon des spécialistes). Trois projets principalement ont été successivement présentés, par la Suisse d'abord, par les Soviétiques ensuite (mais la Roumanie ne s'y rallia pas), par les Occidentaux enfin (les Quinze de l'Otan – avec certaines réserves françaises – plus l'Espagne et l'Irlande). Aucun d'eux ne pouvait rallier l'unanimité. Le principe juridique du RPD implique en effet, pour être efficace, un caractère d'obligation et de contrainte auquel les pays participants à la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) ont toujours été opposés. À la nécessaire stabilité qui est la condition d'un système juridique international s'oppose le caractère instable de la détente qui n'est jamais acquise définitivement. En dépit de ces antinomies ou ambiguïtés, le bilan de Montreux est positif. Il représente un pas dans la poursuite du vieux rêve de la paix par le droit, et le dialogue se poursuit.
Anatomie de la réunion d'experts de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) sur le règlement pacifique des différends
Depuis le semi-échec de Belgrade, et dans l’attente de la prochaine échéance majeure fixée à Madrid pour 1980, le processus de la C.S.CE. se poursuit discrètement à travers des réunions d’experts. Convoquée à Bonn au cours de l’été 1978 pour mettre au point les modalités pratiques d’un « Forum scientifique », la première de ces réunions était passée, en raison de sa technicité, à peu près inaperçue. Il n’en va pas de même pour la Réunion de Montreux (31 octobre - 11 décembre 1978) sur le règlement pacifique des différends, thème dont l’intérêt s’impose à l’évidence. On retracera ici les origines particulières de cette entreprise avant d’analyser les positions fondamentales des protagonistes et le bilan des travaux des experts. Les commentaires qui suivent seront limités aux aspects strictement politiques, et non juridiques, du débat.
Les origines de l’entreprise : le projet suisse de 1973
Le 18 septembre 1973, la délégation suisse à la phase genevoise de la C.S.C.E. déposa un volumineux document intitulé « Projet de convention instituant un système européen de règlement pacifique des différends » (1). Cette initiative procédait à la fois d’un réflexe et d’une exigence de la politique extérieure helvétique.
Pour la Suisse, le principe du règlement pacifique des différends (R.P.D.) représentait en quelque sorte une maxime traditionnelle de politique étrangère – une conséquence directe du statut de neutralité permanente de la Confédération lequel interdisait à celle-ci de recourir à la force hormis le cas de légitime défense. Par ailleurs, en tant que petit pays à l’écart des alliances politiques et militaires du continent, la Suisse ressentait particulièrement la nécessité de donner aux engagements formels de la C.S.C.E. une assise concrète, à commencer par un système de R.P.D. Pour elle, une entreprise véritable de sécurité devait avant tout reposer sur un tel système car le R.P.D. constituait le complément et le corollaire du principe fondamental, mais trop abstrait et partant mal délimité, du non-recours à la force. En effet, si celui-ci avait essentiellement une vertu conservatoire (assurer le statu quo dans la meilleure des hypothèses), celui-là seul semblait pouvoir garantir le « changement pacifique », c’est-à-dire l’adaptation du droit aux réalités dynamiques des relations internationales. Un système de R.P.D. s’imposait d’autant plus, estimait encore la Suisse, que les mécanismes existants aussi bien à l’échelon universel (Nations Unies, Cour internationale de justice…) que sous-régional (Convention européenne de 1957 sur le règlement pacifique des différends entre les États membres du Conseil de l’Europe, etc.) présentaient diverses lacunes ou imperfections qui, en tout état de cause, les rendaient impropres aux conditions spécifiques de l’Europe de la détente.
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