Fortune de l’Europe
L’auteur, inspecteur des finances, a été administrateur suppléant à la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Bird) puis, de 1948 à 1952, directeur à l’Organisation européenne de coopération économique (OECE). Son livre repose donc, comme il nous le dit dans son avant-propos, sur une expérience directe de la vie économique internationale. Il constitue, est-il besoin de le préciser, une défense et illustration de la thèse européenne dans l’acception la plus achevée de ce terme.
La première partie de l’ouvrage décrit l’évolution historique qui a mené l’Europe à se trouver isolée entre deux empires rivaux. La deuxième partie aborde les problèmes économiques, que 12 chapitres exposent sous diverses optiques, par pays, par secteurs, par institutions, tandis que trois chapitres sont consacrés à la présentation des solutions que ces problèmes comportent. La troisième partie, enfin, se situe sur le plan politique où l’auteur soutient que l’Europe doit aussi se faire, malgré les difficultés et les résistances.
Du point de vue économique, le cœur de l’ouvrage est constitué par le chapitre 16, où les arguments, déjà presque classiques, en faveur d’un grand espace économique européen sont repris et développés avec un rare talent, qui ne peut qu’emporter une adhésion de principe. Le chapitre suivant expose les grandes lignes de la politique de concentration et de spécialisation, que l’auteur juge indispensable à la renaissance économique de l’Europe : si l’accord sur le fond s’impose, on ne peut manquer d’être parfois inquiet en face de l’ambition des solutions proposées.
Cette réserve s’accroît encore à la lecture de la partie qui aborde les aspects politiques de l’unification européenne, CED et communauté politique européenne sont ardemment prônées, et l’auteur nous a semblé manquer souvent d’indulgence envers ceux qui sont incapables de s’enthousiasmer pour le principe et les aspects pratiques de la supra-nationalité. Si ces derniers veulent bien ne pas s’irriter de l’attitude qu’on leur prête (page 365 notamment), ils trouveront cependant dans cet ouvrage, où la qualité des arguments ne le cède en rien à la clarté et à la conviction de l’exposé, un des plus remarquables plaidoyers en faveur de l’Europe unie. ♦