Groenland, station centrale
Par la nature et l’ampleur des moyens mis en œuvre, par l’étendue et la variété des recherches effectuées, les expéditions polaires françaises (Missions Paul-Émile Victor) ont, depuis 1948 et en quatre années, tourné une page décisive de l’exploration au Groenland. Sans conteste, la plus étonnante de leurs réussites fut l’installation et le fonctionnement, pendant deux années consécutives d’une station d’hivernage, – la « Station centrale » – située au centre de l’Inlandsis groenlandais – ce plateau de glace et de neige qui s’élève en pente douce jusqu’à plus de 3 000 mètres d’altitude et dont la superficie couvrirait plus de quatre fois la France. On oublie trop facilement l’aléa d’une telle entreprise, les risques acceptés, l’incroyable dose d’acharnement et d’effort fournie par tous. Ce livre qui, pour la première fois, raconte au public cette histoire, nous les rappellera.
Depuis le départ de Rouen sur un cargo norvégien, le 14 avril 1949, jusqu’à l’arrivée au centre du Groenland, le 18 juillet nous vivons avec l’expédition. Nous assistons à l’installation de cette station « souterraine » entièrement creusée sous la neige (plus de 400 m3), le stockage des 70 tonnes de matériel nécessaire à son fonctionnement et que parachuta un Liberator basé en Islande. Nous vivons la hâte fébrile des dernières semaines et l’ultime séparation d’avec le dernier groupe de la campagne d’été : le 24 août 1949, face à l’hiver qui vient, il doit quitter la « Station centrale », y laissant huit hommes qui, sous la direction de Robert Guillard, en termineront l’aménagement, puis s’y retrancheront. La vie de ces hommes isolés près d’un an à plus de 500 km de tout point habité, irrémédiablement cernés par un désert de neige infranchissable l’hiver, désert que ravagent de continuelles tempêtes, mais qui parfois aussi s’apaise, comme figé dans des froids inconnus – 60 °C, 65 °C – ces onze mois d’implacable confrontation avec un décor inhumain constituent l’essentiel du récit, profondément émouvant et d’un style fort original, de Michel Bouché. ♦