Missions secrètes en France, Souvenirs du BCRA
C’est un nouveau volume des Souvenirs de Guerre du colonel Passy. L’auteur évoque, dans Missions Secrètes, les efforts entrepris par le Comité national français (CNF) de Londres pour coordonner les mouvements de résistance et leur imposer sa direction. De cet observatoire privilégié qui s’appelait le Bureau central de renseignements et d’action (BCRA) et qui s’occupait paradoxalement de la recherche du « renseignement militaire » et de « l’action politique » en France, il a vu de près des activités qui échappaient au commun, et beaucoup d’hommes qui s’étaient dégagés des passivités offertes pour continuer la lutte. Il a vu aussi les autres. Il entend les montrer tous tels qu’ils lui sont apparus.
Rallié d’enthousiasme, dès la première heure, à un chef prestigieux, aucun doute ne l’effleure sur les voies et moyens à prendre : c’est le Comité de Londres qui doit catalyser la Résistance, l’organiser, l’orienter. Mais en territoire métropolitain, d’autres chefs se sont levés peu à peu qui ont leurs hommes et leurs projets. Il apparaît vite que les fins poursuivies sous des vocables presque identiques ne s’accordent pas. Les conflits qui éclatent en livrent les raisons : les intentions sont marquées de préoccupations politiques dirigées vers la saisie du pouvoir. Cette tendance, notée par l’auteur chez presque tous les groupements de résistance, n’a pas été absente de ses propres comportements. L’expression s’en ressent, dont le tour passionné ne manque pas d’inquiéter.
Le colonel Passy nous révèle, en effet, que ces chefs, parfois héros authentiques, se laissèrent trop souvent guider par des mobiles personnels et sans grandeur. Leurs traits accusent des laideurs. Indiscutablement voués à l’œuvre de libération nationale, on les voit se heurter violemment et se déchirer sans merci : querelles de préséance, exclusives, ruptures. L’unanimité affirmée sur certains thèmes de haute tenue reste illusoire. Les consignes venues de Londres ne trouvent pas l’écho espéré. Et finalement, la seule fusion réalisée, encore qu’imparfaite, est celle qui groupera les formations de Résistance métropolitaine sous l’égide du Conseil national de Résistance (CNR). Mais c’est un acte d’indépendance à l’égard du général de Gaulle, une scission. Le Comité français de Libération nationale (CFLN), créé à Alger, allait devoir compter désormais avec la persistance tenace de ces divisions.
Dans le conflit non moins grave qui oppose le général de Gaulle au général Giraud, le colonel Passy voit l’expression de deux états d’esprit émanés d’une discrimination de politique intérieure, et cela seulement. On pourra lui opposer, à la lumière des faits maintenant connus, que les forces françaises reconstituées en Afrique du Nord se préoccupèrent moins du gouvernement à instaurer à la libération, que de réparer notre désastre initial, cause de tout le mal, et de participer à la victoire finale. ♦