De la démocratie en Amérique. T. 1 et T. 2
S’il est un ouvrage qu’il importe de lire aujourd’hui, alors que le terme « démocratie » est employé de façon si variée et parfois si abusive, c’est bien celui de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique. Celui qui parle est un aristocrate libéral qui, après avoir vécu la Restauration et 1830, a voulu éclairer les esprits, « diminuer l’ardeur de ceux qui se figuraient la démocratie brillante et facile, diminuer la terreur de ceux qui la voyaient menaçante et impraticable ». – « Depuis Montesquieu, il n’a rien paru de pareil » disait Royer-Collard en 1835. Par la hauteur de la pensée, par les qualités de forme, le livre faisait penser à Bossuet, à Pascal, à Chateaubriand.
L’ouvrage eut un plein succès. Il n’a plus été réimprimé depuis 1874. Remercions la Librairie de Médicis de le publier aujourd’hui. Sans doute on pourra y rencontrer des jugements trop absolus. L’excellent commentateur, M. André Gain, a soin de les relever ; mais combien plus encore a-t-il eu l’occasion de marquer la justesse des observations et l’importance d’aperçus vraiment prophétiques. Que de nuances apportées et expliquées sur la distinction et l’application des trois pouvoirs, sur les systèmes électoraux, sur l’organisation communale, fédérale ou centralisatrice, toutes questions qui, aujourd’hui plus que jamais, préoccupent l’opinion. Et citons cette pensée de Tocqueville, placée par Firmin Roz en tête de sa préface : « Il y a aujourd’hui sur la terre deux grands peuples qui, partis de points différents, semblent s’avancer vers le même but : ce sont les Russes et les Anglo-Américains. L’un a pour principal moyen la liberté ; l’autre, la servitude. Leur point de départ est différent, leurs voies sont diverses. Néanmoins chacun d’eux semble appelé, par un dessein secret de la Providence, à tenir un jour dans ses mains les destinées de la moitié du monde. » ♦