Dix jours pour mourir
Le commandant Michael Musmanno, juge et enquêteur aux procès de Nuremberg, consacre près de 300 pages aux dix derniers jours de Hitler et de son entourage dans l’abri de la chancellerie du Reich à Berlin. Nul autre que lui n’a disposé, pour décrire un des drames les plus sensationnels de l’histoire, d’une aussi grande abondance de témoignages et de sources. Les accusés de Nuremberg, comme les fidèles encore vivants de Hitler, interrogés séparément, ont fourni à l’auteur la matière de son récit.
Tous sont mis en scène sous une forme animée et colorée qui, malgré quelques longueurs, donne un relief saisissant à la vie du Bunker entre le 20 et le 30 avril 1945. Nous revoyons les acteurs, leurs gestes et leurs mots, leurs laideurs morales, la félonie latente de quelques-uns, le déséquilibre du plus grand nombre, la folie collective du « dernier carré ». Le tableau est apocalyptique, il blesse la sensibilité humaine et soulève le dégoût. Et pourtant, on se sent convaincu. Hitler, qui se bat avec des cartes, ne découvre les réalités de la situation que lorsque s’évanouissent les dernières chances de quitter son refuge. Nourri de chimères et d’horoscopes, de flatterie aussi, il ne se décide à mourir que par crainte d’ignominieuses représailles sur sa personne. Le portrait ne grandira pas l’homme. Les fanatiques qui l’entourent voient plus clair, les militaires surtout, qui observent l’effondrement des armées et la pince gigantesque qui, à ce moment, se ferme sur Berlin. Gœring se retire de cette souricière en arguant de grands desseins : il va simplement tenter de négocier. Himmler, l’exécuteur des hautes œuvres du régime, en fait autant. Ceux qui veulent vivre invoquent des missions pour s’évader. Les Russes sont dans Berlin. Les secours espérés n’existent que dans l’imagination démente d’un chef ravagé par la déchéance physique, et qui hurle à la trahison de tous. Dernier geste empreint de fausse grandeur : Hitler épouse Éva Braun et meurt avec elle, non sans avoir rédigé son testament et désigné un nouveau gouvernement… Le ménage Goebbels se suicide après avoir tué ses enfants, et la fin des maîtres soulage les survivants qui se hâtent de chercher leur salut à la surface, dans l’enfer de la bataille de Berlin. Images hallucinantes qu’on voudrait fuir, mais que l’histoire conservera. Musmanno a accumulé les détails et les preuves de la mort de Hitler. En eût-il moins donné qu’on le croirait tout de même. ♦