Rommel
Voilà un livre passionnant. La propagande de Gœbbels nous a longtemps fait prendre Rommel pour un reître brutal, complètement acquis aux idées et aux procédés de guerre nazis. L’auteur du livre, général anglais, est un fervent admirateur du chef allemand qui le fit prisonnier en Libye en 1941. Il nous le présente sous un jour peut-être trop favorable, mais certainement plus réel. Il le dépeint dès son enfance, jeune garçon calme et appliqué, puis, dès qu’il atteint l’âge de maturité, homme simple et modeste. Issu d’une famille de professeurs, il rentre dans l’armée avant 1914. Au cours de la Première Guerre mondiale, il se révèle comme un combattant héroïque et audacieux.
Dans l’entre-deux-guerres, il mène une petite vie de garnison sans histoire, à l’écart des remous politiques. Remarqué, cependant, par le Führer peu de temps avant la guerre, il se voit confier, en 1940, une division blindée (DB), à la tête de laquelle il se couvre de gloire. En mai il est le premier à percer les lignes françaises à Sedan. Il fonce alors, avec une audace inouïe vers l’Ouest jusqu’à Arras et Lille.
Aussi, quand il faut secourir en Libye les Italiens de Graziani écrasés par les Anglais de Wavel, c’est à lui que Hitler confie les unités allemandes de secours qui formeront bientôt le célèbre Afrika Korps. Bien qu’il se défende de faire œuvre strictement historique, l’auteur fait revivre cette étonnante campagne où les adversaires rivalisèrent d’audace et de courage et de politesse.
Mais, battu en Afrique, Rommel revient en Europe. Il trouve une guerre moins bien adaptée à son caractère. C’était en effet plutôt un brillant combattant, d’un dynamisme extraordinaire et un tacticien, qu’un grand chef militaire. L’action seule l’intéresse. La préparation de la bataille, l’administration, la logistique, diraient certains, toutes choses, si importantes dans la guerre moderne, l’attirent beaucoup moins.
Il voit pourtant la défaite approcher et il en prévient Hitler. La cruauté des SS le révolte et, selon l’auteur, il aurait protesté contre le crime d’Oradour. Aussi, ses rapports se tendent bien vite avec Hitler. Il se laisse entraîner, quoique prudemment, dans la révolte des généraux. Et tandis qu’il se remet miraculeusement d’une blessure reçue au front de Normandie, le monstre allemand lui fait donner l’ordre de se suicider. L’œuvre se lit comme un roman. Elle nous rend plus odieux encore le régime nazi. Elle montre qu’il y eut chez les militaires allemands des hommes « corrects » qui surent mener la guerre d’une façon parfois même chevaleresque. Rommel fut de ceux-là. ♦