La Berbérie, l’Islam et la France
Les deux tomes du livre que M. Eugène Guernier consacre à la Berbérie offrent une vaste matière fondée sur une large documentation et sont l’illustration d’une thèse d’après laquelle il existe en Afrique du Nord des éléments très importants d’origine berbère et berbérophone et que la politique française devrait tenir le plus large compte de cette constatation. En effet, l’auteur souhaite amorcer des contacts nombreux dans le domaine spirituel, réaliser l’union des cœurs entre Chrétiens et Musulmans, prélude d’une entente nécessaire et durable.
Si l’on avait, ici, le loisir de pénétrer dans le détail de cette œuvre, on pourrait, avant tout, se demander si son idée essentielle, s’appuyer sur les Berbères, c’est-à-dire sur l’Occidental, est réalisable. Ces Berbères sont-ils, en effet, des Occidentaux depuis qu’ils sont tous Musulmans ? La France a, sans doute, contribué à étendre l’usage de la langue arabe, mais, en Kabylie, nos juges de paix continuent à respecter les prescriptions du droit coutumier et nous n’avons pas contribué à islamiser les Berbères. Cette thèse, si séduisante qu’elle paraisse, ne suffirait pas, d’ailleurs, à résoudre les problèmes essentiels, et ici à peine effleurés, tels que ceux de l’augmentation rapide de la population musulmane ou le problème foncier, ou celui de la conservation des sols. Livre important, qui incite évidemment à la réflexion, mais qui porterait aussi à bien des critiques de doctrine et de détails.