La tragédie des cuirassés allemands
Le destin si court et si tragique du Bismark constitue l’un des faits les plus marquants de la guerre navale 1939-1945. Il a déjà tenté la plume de plus d’un écrivain, mais aucun auteur allemand n’en avait encore parlé. Le capitaine de corvette Busch, qui était embarqué sur le Prinz Eugen, compagnon du Bismarck, comble cette lacune. Le commandant René Jouan, qui a fort bien traduit et présente le livre, l’a complété par toute la documentation officielle disponible dans les archives allemandes, si bien que le sujet peut être considéré désormais comme épuisé. On peut suivre maintenant, de bout en bout ce qui fut véritablement un drame aux rebondissements passionnés où le destin se prononça en permettant à une torpille anglaise de toucher le colosse en son seul endroit vulnérable, son gouvernail. Il y a aussi une grandeur sauvage dans ce tableau final du grand cuirassé désemparé, luttant jusqu’à son dernier obus dans une mer de tempête, lassant par sa résistance matérielle les canonniers britanniques, criblé de torpilles et devant cependant, pour s’engloutir, ouvrir lui-même ses prises d’eau !
Le Tirpitz frère du Bismarck, se conduisit moins glorieusement. Son existence ne fut, en fait, qu’une longue agonie. Il séjourna le plus souvent dans des fjords, derrière des filets, tandis que les Britanniques s’acharnaient sans répit contre lui, le faisant attaquer par d’héroïques sous-marins-mouches, par des appareils de porte-avions et par les gros bombardiers de la RAF. Il succomba, enfin, le 12 novembre 1944, aux environs de Trondhjem, sous les bombes de six tonnes spécialement construites pour lui porter le coup mortel. Là encore, le récit devient pathétique en nous rapportant l’odyssée de matelots emmurés vivants dans les compartiments du cuirassé chaviré.