Le journal du Dr Goebbels [texte intégral]
Des fragments considérables du journal de Gœbbels ont été retrouvés dans la cour du ministère de la Propagande où ils avaient échappé de peu à l’incendie. Ils sont tapés à la machine sur un papier spécial rare en Allemagne pendant la guerre. La publication de ces pièces ne fut décidée qu’après identification bien certaine. Le travail de classement fut confié à Louis-P. Lochner, ancien chef du bureau de Berlin de l’Agence Associated Press. L’original des documents doit être déposé dans une Université américaine. Ils comprennent, avec quelques lacunes, la période du 21 janvier 1942 au 9 décembre 1943. On y a ajouté quelques notes des carnets intimes de Gœbbels, manuscrits découverts en Allemagne, datés des années 1925-1926, et actuellement en possession de Herbert Hoover, ancien président des États-Unis.
Ces notes sont le prélude du grand drame. Elles marquent chez Gœbbels une très grande admiration pour Hitler. Parmi les dirigeants du national-socialisme, il est le seul qui restera jusqu’au bout fidèle au Führer. Nous avons là les sentiments intimes d’un homme aussi confiant que Hitler dans la victoire au début de la guerre, aussi énergique que lui quand il a pris conscience des dangers qui menacent l’Allemagne.
Comme Hitler, il ne recule devant aucun moyen d’ordre intérieur ou extérieur. Il ne cesse de conseiller la destruction totale des Juifs en Allemagne. Il n’a aucun ménagement pour la France. Il pousse aux représailles les plus violentes, dès qu’il sent en elle de la résistance. Si les généraux et les Gauleiter avaient montré plus de fermeté, jamais, à son avis, l’Allemagne n’aurait faibli dans la lutte. Lorsque la victoire lui paraît moins certaine, il dit les difficultés auxquelles il est nécessaire de parer, celles qui viennent du ravitaillement, des transports, des destructions par bombardements, de la lutte sur deux fronts. S’il faut l’en croire, ni Rosenberg, ni Gœring, ni Keitel, ni Brauchitsch ne sont à la hauteur de la situation. La défection de l’Italie lui inspire encore plus de mépris que de colère. Mussolini est peut-être digne de pitié, mais Ciano est un misérable. L’avance des Russes l’étonne, puis il reconnaît la force morale qui les anime ; il espère les voir rompre avec l’Angleterre et les États-Unis. Quand Berlin s’effondre sous les bombes il escompte encore une paix victorieuse. Mais le doute est dans son esprit. Et l’on regrette que son journal s’arrête au 9 décembre 1943. Qu’a-t-il bien pu écrire sur l’année 1944 ?