Le jeu américain à Vichy
Il est toujours intéressant de se rendre compte de la mentalité étrangère, surtout quand elle se reflète dans des ouvrages d’amis de la France aussi sincères que ceux de certains Américains.
Cette œuvre retrace toute l’histoire de la diplomatie et de la politique américaines à l’égard de notre pays, depuis le début de la guerre jusqu’à la mort de Darlan en Algérie ; c’est dire son exceptionnel intérêt. Elle est fondée, en une grande mesure, sur des documents officiels du gouvernement des États-Unis qui n’auraient dû, normalement, être mis à la disposition du public que dans plusieurs années.
L’auteur, le professeur William L. Langer, a eu accès à des archives officielles strictement fermées, notamment à celles de l’Office des Services stratégiques auquel il collabora et à celles du Département de la Guerre. Il a soumis son travail à des personnalités éminentes telles que l’amiral Leahy, ancien ambassadeur des États-Unis à Vichy, M. William C. Bullitt, ancien ambassadeur des États-Unis à Paris. Il exprime donc, certainement, la position de cercles extrêmement influents du Gouvernement et des milieux dirigeants américains à l’égard de la France au cours de la dernière guerre. Il ne se cache pas, d’ailleurs, pour prétendre que cette politique, empreinte à la fois de générosité envers notre pays, mais en même temps de réalisme, voire d’opportunisme, était la seule qu’aient pu raisonnablement pratiquer les chefs responsables de la stratégie et de la diplomatie américaines. « Si cela était à refaire, déclare M. William L. Langer, nous n’agirions pas différemment. La politique suivie vis-à-vis de Vichy fut, dès le début, un pis-aller, mais nous n’avions aucune raison de rompre les relations avec le Gouvernement Pétain. Il fallait choisir entre le régime autoritaire de Vichy et la croisade héroïque de de Gaulle. Nous ne pûmes épouser la thèse de ce dernier que lorsque sa conduite nous apparut véritablement efficace et propre à faire triompher les intérêts américains. » On ne saurait être plus franc et c’est cette sincérité qui confère à cet ouvrage une valeur toute particulière.