Mémoires
C’est un livre considérable que le général W. Anders vient de consacrer à tous les événements auxquels il lui a été donné d’assister entre 1939 et 1946 et, notamment, au rôle joué dans la guerre de coalition par la vaillante armée polonaise. Personne n’a plus le droit, désormais, d’ignorer cette magnifique épopée qui, après la campagne désastreuse de Pologne en septembre 1939, a été marquée par les combats livrés par la petite armée reconstituée aux côtés des Alliés, en France, en Norvège, pendant la bataille pour la Grande-Bretagne en 1940, à Tobrouk en 1941, sans parler des interventions glorieuses des aviateurs et des marins polonais sur un grand nombre de théâtres aériens et navals. Partout où se livrèrent des combats acharnés, que ce soit au Monte Cassino, à Ancône, à Bologne, et, simultanément, en Normandie, en Belgique et en Hollande, l’Aigle polonais déploya magnifiquement ses ailes. Mais, ce qui, plus encore que le récit militaire, pèsera sans doute le plus aux yeux de l’historien de cette guerre, c’est la vision lucide qu’a pu avoir, à maintes reprises, le général W. Anders, de la situation mondiale et, plus particulièrement, du sort de son pays, grâce aux contacts directs qui lui fut donné d’avoir avec les principaux acteurs du drame universel, en particulier Winston Churchill et Joseph Staline.
Au sortir des geôles russes où il avait été jeté, le grand chef polonais fut convoqué par le dictateur et les comptes rendus quasi sténographiés qu’il donne de ses conversations avec lui sont d’un intérêt capital. Mais ce qui apparaît avant tout en pleine lumière, c’est le réalisme, pour ne pas dire davantage, qui anima les illustres interlocuteurs de W. Anders quand fut agitée en sa présence la question, pour lui capitale, de l’avenir de son pays ; il ne pesa hélas ! pas lourd dans la balance quand se joua le destin allié.
Le livre se termine, d’ailleurs, sur une note extrêmement sombre sur le rôle joué dans la lutte commune par la Russie soviétique. Le général ne dissimule pas sa protestation indignée et proclame à la face du monde que jamais, même au moment où elle fut la plus menacée, la Russie ne voulut d’une Pologne vraiment libre, ni d’une armée polonaise qui aurait combattu pour des buts de guerre polonais et indépendants. Téhéran, Yalta, Potsdam furent en réalité les stations du calvaire du nouvel esclavage de la Pologne. Livre passionnant et passionné, d’un intérêt primordial pour l’étude du dernier conflit.