La bataille de Dunkerque
M. Jacques Mordal s’est proposé de décrire les engagements de la Marine française au cours des opérations des armées alliées du 10 mai au 4 juin 1940 : participation aux combats livrés tant en Zélande, qu’à Boulogne au Cap Gris-Nez et à Calais, enfin, et surtout, défense de Dunkerque et évacuation par mer d’une partie de nos forces terrestres.
Ces opérations, menées sous l’écrasant et continuel bombardement de l’aviation allemande, ont mis en valeur, une fois de plus, les qualités traditionnelles des marins français : courage, esprit de sacrifice, étroite et généreuse camaraderie. D’une plume alerte, multipliant les témoignages vécus, l’auteur donne à ses récits une vie intense. Sans se départir d’une totale objectivité, il nous fait partager l’émotion qu’inspirent à son cœur de soldat tant d’actes de pur héroïsme que sa piété patriotique sauve de l’oubli et nous offre un exemple.
Mais le rôle d’importance majeure joué par la Marine au profit des forces de terre du 10 mai au 4 juin ne pouvait être mis en relief qu’en le situant dans le cadre des opérations alliées. Aussi M. Jacques Mordal, attiré par les vastes horizons et guidé par une curiosité critique très avertie, est-il conduit à nous décrire les opérations des armées du Nord qui ont abouti au drame de Dunkerque, ainsi que les incohérentes incertitudes du commandement allié.
Le cadre historique, ainsi élargi, meublé d’une documentation précise et de témoignages de choix, offre à notre esprit un champ d’observations d’un intérêt indiscutable qui visent d’une part les opérations combinées terre-marine, d’autre part les exigences d’un commandement allié efficace.
C’est en vain que de 1920 à 1939, le vice-président du Conseil supérieur de la Guerre s’efforça d’obtenir le concours de la Marine pour élaborer un règlement concernant les opérations combinées. Certes, au moment de l’action, les marins s’engagèrent à fond avec un esprit de camaraderie qui aboutit à de sublimes sacrifices, mais ces efforts furent improvisés, qu’il s’agisse du concours apporté par une flottille de chasseurs aux fantassins engagés à Beveland ou de l’appui par les torpilleurs des défenseurs de Boulogne. L’affectation de l’amiral Abriat au commandement de la tête de pont de Dunkerque et le concours que lui prêtèrent en ces heures dramatiques les divisions du général Fagalde nous prouvent que le particularisme de la Marine a cessé d’être justifié.
À l’heure où la conception d’un commandement occidental prend un caractère d’actualité, l’exemple d’inconsistance et d’incertitude du commandement allié de mai 1940 doit nous servir de leçon. M. Jacques Mordal, qui fait état des missions du capitaine de vaisseau Auphan à Douvres et du commandant Fauvelle du 1er GA à Paris, ainsi que de leurs témoignages, nous offre une analyse éloquente des actions divergentes de nos alliés menées sous le couvert officiel de leurs accords de principe jusqu’au jour – le 26 mai – où le général Blanchard, exerçant le commandement allié, après avoir ordonné de défendre le cours de la Lys, sans esprit de recul, apprend indirectement que le Roi des Belges a décidé de capituler et que les Britanniques poursuivent leur repli sur Poperingue-Ypres, en direction de Dunkerque.
Puissent les grandes leçons de Dunkerque que M. Jacques Mordal soumet, à nos méditations, ne pas demeurer vaines.