Ultra-secret
L’auteur, journaliste très connu outre-Atlantique, a, dans un ouvrage qui y a obtenu un succès considérable, révélé les dessous des dernières grandes décisions stratégiques de la guerre. Il a en la chance de faire partie de l’État-major des « nouveaux débarqués » chargé d’élaborer à Londres, en liaison avec les stratèges britanniques, les plans d’invasion de l’Ouest européen. Contrairement aux thèses officielles, il ressort de cet ouvrage, débordant d’humour et de passion, que l’entente fut loin d’être parfaite entre les chefs de la coalition. Si les Anglais acceptaient le concours, de plus en plus efficace, des effectifs et du matériel américain, ils entendaient bien se réserver la direction effective des opérations, sur terre, sur mer, dans les airs.
La nomination d’Eisenhower au poste suprême, substitué à Marshall, fut le résultat d’un compromis. Il ne joua, d’ailleurs, qu’un rôle de coordinateur, surtout politique. C’est au « maître » Montgomery que, de très bonne foi, les Britanniques reconnaissaient le droit de la victoire finale. Il s’en faut pourtant que l’auteur déborde à son égard d’admiration, voire de respect. Il note impitoyablement ses erreurs de conception et d’exécution, en Normandie, à Arnhem. Les objectifs des deux stratégies furent constamment divergents. Celle d’un Churchill fut longtemps, trop longtemps, alimentée par les Balkans et la Méditerranée. Celle des Américains visait le plus tôt possible, à la destruction totale de l’adversaire, à l’occident. Elle trouva en deux hommes incomparables, Bradley et Patton, des réalisateurs d’une science, d’un caractère admirables. C’est à eux que Ralph Ingersoll rend un hommage sans restriction. On lira avec passion ces révélations, d’inspiration essentiellement américaine : elles prouvent, une fois de plus, la difficulté qu’il y a à mener, même quand elle est inspirée par la même idéologie, une coalition militaire à une victoire rapide et décisive.