Mirabeau, un grand destin manqué
Il semble que tout ait été déjà dit sur le singulier et génial personnage, notamment après le beau livre de Louis Barthou. L’auteur a su pourtant renouveler ce sujet en tirant parti de toutes les ressources de la documentation la plus récente, française et étrangère. Il a, surtout, eu l’art de suivre et d’évoquer pas à pas, en tous ses méandres, et Dieu sait s’ils furent nombreux et compliqués, le comportement du tribun, sa politique à double jeu constant, son art oratoire incomparable, éclairé de nombreuses et abondantes citations, ses dons psychologiques et politiques uniques, qui firent de lui le grand conducteur spirituel de la Révolution, à ses débuts. Il n’empêche que tant de talents et d’efforts, minés par le manque de moralité, n’aboutirent finalement qu’à un fiasco, opportunément voilé par une mort prématurée.
Mirabeau ne réussit pas à sauver la Royauté en même temps qu’à promouvoir la Révolution. À l’arrière-plan de son lit d’agonie, se profilaient déjà les silhouettes tragiquement inquiétantes de ses successeurs, les Danton et les Robespierre. Ce fut, comme l’a justement dit ce pénétrant historien, un grand destin manqué. Traître à la monarchie, pour les vrais monarchistes, traître à la Révolution pour les vrais révolutionnaires. Il est trop tôt d’avoir raison, trop tôt contre des principes et des passions fanatiques, dans une France qui n’était pas mûre.