La campagne 1939-1940
I.e colonel de Bardies nous présente, en 300 pages, une histoire de la campagne de 1939-1940, qui mérite d’être lue. Après un exposé très rapide des prodromes de la guerre, un examen sommaire de la situation des forces en présence en 1939, une présentation des hauts commandements français et alliés, l’auteur traite vivement la Campagne de Pologne et la Campagne de Norvège. Puis, après avoir brossé le tableau assez sombre de la mentalité des Armées et des arrières pendant la drôle de guerre, il revient plus longuement sur les conceptions tactiques et stratégiques des adversaires et sur leurs plans d’opérations. Il entre, enfin, dans le vif du sujet et expose, en détail, la campagne du 10 mai au 25 juin, sur le front du Nord-Est et sur celui des Alpes.
Le récit est vivant, l’ensemble de l’ouvrage, écrit dans un style rapide, est facile à lire et prenant. Le colonel de Bardies ne se contente pas de présenter les faits historiques avec une objectivité que l’on doit lui reconnaître, car s’il se montre souvent sévère pour les fautes grossières qu’il expose, il n’hésite pas à plaider parfois les circonstances atténuantes. Mais il remet au point certaines affirmations contenues dans d’autres ouvrages : en particulier, dès les premières pages, en donnant une appréciation brutale de ce que fut, réellement, l’aide à la Pologne.
Il s’efforce aussi de montrer ce qu’était l’armée de 1939, non pas seulement matériellement, mais aussi quant à son moral, et développe les raisons pour lesquelles ce moral connut une telle désagrégation. Son tableau de la situation du début de la guerre est plein d’intérêt.
Dans le récit même des événements de la campagne, l’auteur intercale, heureusement, des petits faits anecdotiques qui montrent bien comment des conceptions tactiques et stratégiques qui eussent pu réussir, échouèrent par suite de déficiences du matériel, de l’entraînement et de l’instruction insuffisants des troupes et des chefs. Mais il fait ressortir surtout l’extrême faiblesse du commandement, cette obsession du front continu et du colmatage qui conduisit jusqu’à l’éparpillement en bouchons défensifs sur les passages de l’Oise, de cet instrument de choc qu’était la 3e DCR. Encore, dans cet ouvrage, apparaît très nettement le changement de tendance qui suivit la prise de commandement du général Weygand, trop tard, malheureusement.
L’auteur cherche fréquemment à montrer quelles manœuvres eussent été possibles : jeu dangereux. Il est toujours facile, après coup, d’exposer ce qu’il eût fallu faire. Mais ces ébauches de plans pourraient servir de bases à des études plus complètes. L’impression s’en dégage, en tout cas, que le désastre n’était pas inéluctable, au moins sous la forme catastrophique qu’il a prise.
L’auteur est très dur pour les Anglais au point que le livre semble, parfois, avoir été écrit pendant la période d’armistice : le retrait prématuré de l’aviation britannique, l’évacuation de Dunkerque par nos alliés, le général Gort y sont violemment critiqués.
Dans les dernières pages, le colonel de Bardies aborde les problèmes de la résistance en Afrique du Nord ou dans le réduit breton, de Paris, ville ouverte, l’alternative de l’armistice ou de la capitulation. Il affirme, non sans courage, que c’est à l’armistice que l’AFN dut sa liberté.
Tel qu’il est, et sous conditions de vérifier quelques faits et quelques chiffres, lorsque tous les documents auront été mis à jour, cet ouvrage constitue une base d’études pour les militaires et pour les profanes que cette triste période continue à intéresser. ♦