Les écrivains français et le mirage allemand
Jean-Marie Carré, germaniste d’origine, disciple de Ch. Andler et Baldensperger, auteur d’une remarquable thèse de littérature comparée sur Goethe en Angleterre, s’est, en un livre élégant, dense – et sage – penché sur le problème politique allemand. Avec une érudition profonde, en dépit de sa lucide concision, il a, sans passion mais sans illusion, étudié les interprétations successives que nos littérateurs ont donné de l’Allemagne, depuis environ cent-cinquante ans, pratiquement, depuis le grand livre de Mme de Staël, en 1813.
Sans doute, il ne s’agit pas là d’une enquête exhaustive, mais aucune perspective essentielle ne manque à ce vaste panorama spirituel, qu’il s’agisse de l’époque romantique, le Renan, de Tainc, de Romain Rolland, de Charles Péguy, de Louis Bertrand, de Charles Maurras, de Gide, de Jules Romains, l’auteur a, en quelques raccourcis ou citations d’une saisissante perspicacité, fixé la position de chacun par rapport à cette énigme, le plus souvent tragique, constituée pour notre pays par le « mirage allemand ». Il faut bien, hélas, reconnaître avec Jean-Marie Carré que nombreux, trop nombreux, furent les esprits français les plus éminents qui, consciemment, ou non, confondirent l’Allemagne qui pense, avec l’Allemagne tout court, son horreur du rationalisme et son inquiétant dynamisme. « Il y a, reconnaît Jean-Marie Carré, deux Allemands dans le même Allemand. » Jean-Marie Carré espère que l’Allemagne vaincue, rénovée, offrira, demain, un aspect plus rassurant. Il conseille de ne plus l’étudier à travers des illusions d’idéologues, « Méfions-nous du mirage. » ♦