Le Congrès de Vienne
Il est sans doute imprudent, dans l’histoire, de procéder par analogies, d’identifier, par exemple, l’Angleterre de la dernière guerre à la vieille Autriche, ou les États-Unis à l’Angleterre. Il est cependant piquant, et bien intéressant de suivre, dans le beau livre d’Harold Nicolson qui, modestement, ne se réclame d’aucune recherche originale, mais qui brille par l’originalité de l’expression, par la liberté du jugement, et de puiser, dans le récit des négociations du Congrès de Vienne, matières à d’opportunes réflexions relatives aux actuelles sessions de l’ONU ou aux délibérations des Quatre Grands.
On goûtera particulièrement, dans ces pages qui méritent de rester classiques, les portraits d’une rare finesse psychologique des principaux protagonistes de la politique européenne au moment de la chute de Napoléon : Alexandre de Russie, Metternich, Talleyrand, Castlereagh. On s’accordera avec l’auteur pour admettre, après Gentz, que personne n’a tout à fait raison, que l’esprit, de chaque temps est sujet à d’invisibles changements, et l’on comprendra mieux, à lire ce grand auteur britannique, pourquoi sa patrie a toujours été, après les guerres les plus acharnées, en faveur de paix douce et conciliante plutôt que d’un écrasement de l’adversaire battu. Pour l’Anglais de 1815 comme pour celui de 1947, l’intransigeance politique et la vengeance ne paient pas. La lecture du livre de Nicolson est une leçon bien britannique de réalisme politique. ♦