La France a sauvé l’Europe. T. I et T. II
Sous ce titre – discutable – l’ancien président du Conseil a, en deux volumes de plus de 620 pages chacun, écrit une histoire véritablement monumentale de l’avant-guerre et de la guerre et nourri le dossier de la crise mondiale traversée par l’Humanité (et qui n’est pas encore terminée) d’une masse de documents et de jugements uniques par leur qualité, aussi bien que par l’esprit patriotique qui les a inspirés. Il ne s’agit pas, ici, d’un simple exposé des faits. M. Paul Reynaud ne s’est jamais contenté, dans le cours d’une longue et brillante carrière, d’être un spectateur. Il a toujours courageusement pris parti et l’on ne saurait attendre de lui des jugements qui n’aient pour but que l’explication des événements. Il ne mâche jamais ses mots : il ne dissimule jamais ses opinions ; il pose crûment les questions les plus directes ; il appelle, comme disait l’autre, un chat un chat, et un crime un crime.
La France ne s’était ni alliée, ni fortifiée, ni armée. Elle avait refusé l’alliance qui, à l’en croire, l’aurait sauvée et aurait imposé à l’Allemagne la menace d’une guerre sur deux fronts. Elle est entrée en guerre sans aucune des deux armes de la guerre nouvelle : le corps cuirassé, la division d’assaut. Elle avait créé une armée purement défensive, incapable d’attaquer l’agresseur de ses petits alliés. Dans l’ordre économique, elle s’était révélée incapable, malgré l’expérience de tant de pays, de mettre fin à la crise qui la menaçait, et finalement entrava son indispensable armement. Il s’agit là d’un long fléchissement intellectuel et moral. À toutes ces questions, M. Paul Reynaud prétend apporter une réponse. Il ne sera pas possible d’étudier les causes de la défaite de 1940 sans avoir lu de près les récits de toutes ces luttes et controverses en faveur d’un système militaire plus efficace et, disons le mot, plus intelligent. De même, on ne saurait se passer des documents qu’il verse au débat, relatifs aux opérations menées pendant sa présidence du conseil, closes par un armistice qu’il déclare néfaste ; et l’historien de l’avenir devra recourir à cette véritable somme historico-politique, présentée avec la maestria du grand et redoutable debater qu’il s’est toujours affirmé en toutes circonstances.
Les passages les moins émouvants ne sont pas, d’ailleurs, ceux qui ont trait à sa personne, à ses « prisons », comme il dit en évoquant un titre fameux, et où il évoque les jours de souffrance et d’héroïsme partagés avec un homme de la trempe d’un Georges Mandel. Ces 1 200 pages sont, en même temps qu’une histoire politique et militaire des quinze dernières années, une galerie de portraits français et internationaux, tracés de main de maître. L’intelligence de ce texte, auquel il sera nécessaire de se reporter constamment, est d’ailleurs facilitée par un index des personnes citées dans les deux tomes, et il est copieux.