Les Japonais
Après ses livres sur la Chine et l’Asie en général, André Duboscq en fait paraître un sur le Japon. La secousse ressentie par ce pays, l’effondrement causé par sa défaite et les conséquences diverses qui s’ensuivent, tout cela était fait pour tenter la plume d’un spécialiste de l’Extrême-Orient. L’ouvrage qu’il présente s’ouvre sur une fresque de l’Asie, brossée en quelques pages, où l’on retrouve les idées éparses dans ses ouvrages précédents sur l’évolution matérielle de ce continent au cours du dernier siècle.
L’auteur se demande si cette évolution va se continuer au Japon par l’évolution sociale que souhaitent les Américains, désireux de faire de ce pays une démocratie du genre de la leur. Certes, le Japonais est au plus haut point assimilable. On le voit, à présent, se plier aux exigences de ses vainqueurs, se prêter à leurs arrangements, accepter leurs suggestions, en un mot, adopter apparemment, sans difficulté, l’attitude de vaincus. Mais au fond que pensent-ils, que souhaitent-ils, qu’espèrent-ils ? Pour répondre à ces questions, il faut connaître l’âme japonaise, les sentiments fondamentaux de la vie morale d’un peuple que l’Europe ne connaît guère et juge d’une manière trop sommaire. Le livre d’André Duboscq aide à combler cette lacune, d’abord par un chapitre consacré à l’évolution culturelle du Japon. Ensuite, le lecteur est averti qu’il est placé sur un plan d’où la critique des événements récents est exclue. Si la défaite est évoquée, c’est seulement pour en déduire les conséquences fatales ou probables sur le peuple japonais et sur les autres peuples de l’Asie. L’auteur a évité ce qui pouvait soulever des polémiques politiques et l’écarter du but purement didactique qu’il s’était fixé. Le seul jugement sur les agissements de la politique japonaise qu’il se soit permis est celui qu’il porte sur la clique militaire qui a détourné des voies normales et pacifiques qui convenaient à ce peuple d’artisans et de pêcheurs et l’a jeté dans les aventures de la conquête.
Sa conclusion est que le Japonais, en dépit des transformations qu’il a subies et celles auxquelles on l’incite et dont il est certainement capable, conserve son fonds national constitué essentiellement par le patriotisme et l’amour de la nature. « Les Japonais ont des comptes à rendre, écrit André Duboscq. Mais lorsque nous aurons pris sur eux des garanties et qu’ils nous auront donné des témoignages d’un esprit politique nouveau, des relations normales seront reprises avec eux. C’est alors qu’il importera surtout de les connaître. » Le contenu de son livre y contribuera grande ment.