Il y a quelque temps, l'ambassade de Chine populaire à Paris a fait projeter un film appelé L'Orient est rouge, immense opéra à la gloire de Mao Zedong. À la fin de ce film, on voit les « nationalités » chinoises venir faire hommage au « Grand Timonier », et l’on constate alors que ce sont les mêmes que celles que l’on trouve en Union Soviétique. Ces nationalités, ce terme étant entendu au sens soviétique, sont-elles pour l'URSS source de faiblesse, comme le laisse entendre Mme Carrère d'Encausse dans « l'Empire éclaté », ou source de force comme le suppose Victor Louis par l'action qu'elles permettent dans la Chine d'aujourd'hui ? Il est bien difficile de savoir quel est celui qui est le mieux placé, du Soviétique ou du Chinois, pour créer des ennuis à l'autre, dans une situation assez symétrique, où des peuples ont été coupés en deux par l'histoire.
The Coming Decline of the Chinese Empire, le livre de Victor Louis est certainement plein d'arrière-pensées politiques. Il a le mérite de mettre en garde les Occidentaux contre un « wishful thinking » qui, sans autre renseignement, nous ferait pencher pour une vulnérabilité du régime soviétique plutôt que pour une faiblesse chinoise au Xinjiang. Il est toujours dangereux de prendre ses désirs pour des réalités alors que les évolutions peuvent être très rapides et produire d'extraordinaires renversements de situation. La Chine, aussi, a ses vulnérabilités, en particulier dans les parties les plus excentriques de son territoire qui sont souvent mal reliées aux dix-huit provinces, face à une puissance continentale dont la politique a toujours été de créer des États-tampons qui sont en fait des vassaux.