Le si complexe problème de la violence suscite actuellement des études renouvelées sur le plan de la psychologie, de la sociologie et de la philosophie. Les recherches théologiques et les Églises ne peuvent pas ne pas en tenir compte. L'interrogation de la Bible qui est ainsi suscitée permet d'ouvrir des horizons nouveaux. L'article qui suit est le texte d'une conférence qui a été donnée à la Rencontre annuelle des élèves des grandes écoles militaires organisée par l'Aumônerie catholique à Coëtquidan (8-9 décembre 1979). Il a semblé qu'il pourrait stimuler la réflexion de nos lecteurs, quelle que soit leur appartenance religieuse ou philosophique.
Évangile et violence
Deux questions m’ont été posées :
1° Place de la violence dans la société : comment une société peut-elle gérer sa violence ?
2° Les attitudes chrétiennes face à ce problème et le fonds commun à toutes ces attitudes ?
Ce sont elles qui vont délimiter le champ de mon exposé. Mais quelle redoutable complexité elles représentent en elles-mêmes ! La première relève de l’analyse rationnelle. Mais, pour y répondre avec quelque compétence, il faudrait se mouvoir avec aisance dans les disciplines les plus variées : l’histoire (aussi bien l’histoire des idéologies et l’histoire économique que l’histoire politique et militaire), la psychologie et la sociologie de toute évidence ; également les sciences juridiques et la philosophie, sans oublier la biologie elle-même, ainsi que la génétique. La seconde question est commandée par l’analyse théologique. Elle fait, toutefois, intervenir nécessairement l’étude de la Bible et l’histoire des interprétations et des attitudes chrétiennes tout au long des siècles. Quant à l’articulation entre la démarche théologique et l’analyse rationnelle, elle ne va pas non plus de soi. C’est donc une recherche interdisciplinaire qu’il faudrait pouvoir entreprendre. Les points de vue que je vais présenter pourront être contestés par d’autres spécialistes et, sur des questions aussi complexes, ma réponse ne pourra être que très schématique. Elle aura, du moins, l’avantage, je l’espère, de susciter une intense réflexion collective et un dialogue d’un haut niveau. En ce qui me concerne, je me permets de renvoyer à de nombreuses publications depuis le début des années 1960 (1).
Une analyse spectrale de la violence
Je partirai de l’observation du monde contemporain. Ce qui semble essentiel, au fond du drame actuel de la violence, c’est qu’il est pour ainsi dire le cancer d’un monde en mutation radicale, à la suite de l’explosion industrielle et scientifique qui a débuté modestement au début du XVIIIe siècle, a pris un nouveau départ dans la première moitié du XIXe, puis une accélération vertigineuse depuis une cinquantaine d’années. Des fractions d’humanité qui jusque-là s’ignoraient ont été brutalement mises en contact les unes avec les autres. Des individus ont réussi à fonder de véritables empires économiques. Des puissances ont pu imposer leur domination sur d’immenses secteurs géographiques. L’augmentation galopante de la population, qui résulte des progrès spectaculaires de la médecine, pose des problèmes gigantesques de nourriture, d’habillement, de logement et d’espace.
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