Editorial
Éditorial
Cet automne, la Belgique a annoncé un double choix qui a suscité de très nombreux commentaires, en particulier en France et pour de bonnes raisons. Bruxelles a sélectionné l’avion de combat américain F-35 pour remplacer ses F-16, une solution « Made in USA » et a rallié le programme des blindés français autour de Scorpion pour doter sa composante terre d’une nouvelle génération de matériels, soit une solution « Made in Europe ».
Ménager la chèvre et le chou tout en essayant de ne pas fâcher le grand allié à Washington. Telle est bien la problématique qui se pose aujourd’hui à l’Europe pour assurer sa défense. Et les propos tenus le 11 novembre ont encore rappelé la difficulté de l’exercice pour construire une autonomie stratégique européenne, appelée par certains « armée européenne ». Au-delà des effets de style, de nombreux aspects doivent être pris en compte, à commencer par la définition d’objectifs communs, ce qui n’est pas une mince affaire entre ceux qui voient la menace à l’Est, ceux qui la voient au Sud, sans oublier les impacts du Brexit en termes sécuritaires.
Il n’en demeure pas moins qu’il faut avancer et la dimension économique entre ici en ligne. En effet, l’autonomie souhaitée passe aussi par la capacité industrielle à réaliser celle-ci. La France, qui se veut leader en la matière, dispose d’un écosystème quasi complet, résultant des choix voulus par le général de Gaulle, il y a désormais soixante ans. Or, aujourd’hui, la dimension nationale ne suffit plus et il faut désormais raisonner à l’échelle européenne. C’est la thématique de ce mois autour des travaux de la 54e session « Armement et économie de défense » de l’IHEDN. Ce dossier illustre ainsi les enjeux qui se posent à la France et à nos partenaires européens, en ayant le souci à la fois de valoriser l’innovation mais aussi de consolider l’existant.
À cet égard, le naufrage récent d’une frégate norvégienne lors de manoeuvres de l’Otan souligne à la fois que malgré toutes les technologies, les désastres existent toujours et que très souvent c’est la défaillance humaine qui entraîne ce genre de catastrophe. Cela signifie qu’il faut toujours préparer nos soldats, aviateurs et matelots, à affronter le pire et à ne pas se reposer sur des solutions techniques toutes faites. La résilience et la rusticité doivent rester des fondamentaux de l’exercice du métier militaire. C’est une des leçons que l’on peut également tirer des autres articles proposés ce moisci sur l’importance de la valorisation des savoir-faire des hommes et des femmes de la Défense ; ce qui impose une vraie reconnaissance des compétences et la gestion dans la durée des expériences acquises individuellement et collectivement. Ce temps long semble en contradiction avec les effets de mode actuels où l’obsolescence est rapidement de mise. Or, dans le domaine de la défense, il importe de se situer dans ce temps long qui seul permet une mise en perspective et d’éviter ainsi les erreurs ou l’incompréhension face à la complexité de l’environnement géopolitique. C’est bien pour cela que le devoir de Mémoire, mis en lumière par le Centenaire de la Grande Guerre, reste indispensable pour mieux appréhender notre avenir et ainsi garantir à notre pays sa sécurité. ♦