La constitution d’une Base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne doit être une priorité pour la France qui doit mener une réflexion sur sa souveraineté et proposer des solutions originales. Cela signifie dépasser le strict cadre national et accepter d’innover et de penser autrement.
Comment concilier la souveraineté française et la constitution de la BITD européenne ?
How Can French Sovereignty be Reconciled with the Establishment of the European Defence Technological and Industrial Base (EDTIB)?
Establishing an EDTIB should be a priority for France, and the country needs to look closely at its sovereignty and to come up with some innovative solutions. That in turn means going beyond the strictly national framework and accepting the need to think differently.
« Les États européens [doivent faire] le choix de partager leur souveraineté. » Tels sont les termes employés dans le rapport Bockel, en date du 1er septembre 2017. Le rapporteur général de la Commission de l’économie et des finances de l’assemblée parlementaire de l’Otan traite bien ici de la défense européenne. Il poursuit en soulevant un paradoxe qui semble insoluble : « La défense est le domaine par excellence dans lequel les États désirent préserver leur souveraineté nationale. »
La notion de souveraineté est précise si l’on se réfère à un contexte purement national : « souverain : se dit d’un pouvoir qui n’est limité par aucun autre ». Cependant, cette notion soulève très vite un premier paradoxe : les limites d’ordre politique, économique voire psychologique, sont nombreuses si l’on tente de donner à cette notion de souveraineté une dimension européenne. Quant à la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne, son contour reste pour le moins flou, même si elle est tout d’abord la somme des BITD nationales. À ces difficultés s’ajoutent deux freins majeurs : les emplois de haute technicité de toute BITD sont moins facilement délocalisables ; les projets en coopération doivent faire face, non sans difficultés, aux exigences des États de maintien de compétences et de moyens sur leur territoire dans de nombreux domaines : recherche, expertise, essais. Ainsi, le maintien de la vitalité de la BITD française est un enjeu de souveraineté et d’autonomie stratégique. Comment résoudre alors ces paradoxes, ces conflits, y compris d’ordre sémantique, puisque la notion de « souveraineté » est bien d’ordre politique, quand la BITD est de nature industrielle et économique ?
Les enjeux liés au sujet sont nombreux et complexes, dans un environnement européen mouvant qui semble dernièrement donner davantage d’opportunités (FED, EDIDP…) à la construction d’une BITD-E solide : recherche et investissement, coopération, soutien à l’export, acquisition, concurrence… La conservation du meilleur niveau technologique pour la défense et la sécurité françaises sur le long terme, en maintenant ou renforçant notre niveau de souveraineté et les investissements liés, ne sont pas forcément compatibles avec les contraintes et impératifs financiers étatiques et privés. Le marché national est parfois insuffisant, et l’export permet de combler en partie cette faiblesse liée aux volumes, tout en étant limités dans notre action autonome par une très forte concurrence européenne. Pour les uns, la coopération permet ainsi de limiter les duplications de moyens, d’obtenir un effet « volume » devant se traduire par une baisse générale des coûts. Pour les autres, ce sont les consolidations industrielles, avec des rationalisations, qui limitent la duplication de moyens. Les coopérations ne faisant ainsi que limiter le nombre de développements différents, et donc les coûts non récurrents des systèmes, en les mutualisant.
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