L’article que l’on va lire sort des sentiers battus par son fond autant que sa forme qui pourra quelquefois surprendre ou choquer. En fait, l'auteur n’a rien du pacifiste classique qu’il exécute avec brio dès son entrée en matières. Son titre, choisi pour être un peu fracassant, signifie en pratique que le militaire contemporain est fait pour empêcher la guerre, mais pour cela il faut qu’il soit prêt à la faire. Ce paradoxe est incompréhensible à la plupart de nos concitoyens, pris dans un autre pacifisme, celui du confort et de la facilité. Dans sa dernière partie, la pensée de l'auteur s’élève à un très haut niveau, celui de la nature de l’État, qu’il ne faut ni déprécier ni déifier. Les militaires seront toujours dans une position morale, inconfortable, « prêts à une guerre impossible, ayant en esprit un idéal que contredisent leurs moyens ».
Naissance du pacifisme - Fragilité du nouveau-né
Dans l’armée, le pacifisme a mauvaise presse. Qui s’en étonnerait ? Le général de Gaulle, qui avait le goût des vérités essentielles, a observé « qu’une élite militaire qui ne vivrait pas avec le désir de se battre tomberait vite en décadence ».
Jusqu’à maintenant, résister au pacifisme a été tâche facile : ni le pacifiste idéaliste, ni le pacifiste « scientifique » ne mettent en malaise la conscience du militaire. Les faiblesses du premier sont évidentes. On le soupçonne, à tort sans doute, de couardise. Avec plus de raison, on constate qu’il se désolidarise de la nation, entité qu’il faut bien poser en postulat, sous peine de clore le débat. Enfin, et c’est là sa déroute, le soupçon de faute personnelle qui pèse sur « l’objecteur », il le retourne, par sa seule prise de position, avec une intolérable désinvolture : monopolisant la vertu, il fait de la défense armée un crime, du soldat un affreux. Dans son agressivité bigote, notre agneau s est fait loup. Pas de droit de cité, donc, pour le pacifiste : négateur de la cité, comment y aurait-il place ? Et lorsqu’on a commis l’imprudence de l’y tolérer, n’a-t-il pas fallu aussitôt le parquer dans le ghetto d’un statut — celui des objecteurs de conscience — puis dérober même le ghetto aux regards, de crainte qu’il ne contamine les citoyens (1).
Le pacifiste scientifique (2), l’irénologue qui scrute le comportement des collectivités pour assurer la paix future, est un interlocuteur plus sérieux. Ce n’est pas au demeurant sans inquiétude que les militaires ont vu ce nouveau chercheur fouiner dans leur domaine ; ils se demandent si d’aventure il ne va pas trouver, autre pierre philosophale, la cause unique de la guerre, et donc le moyen de la bannir. Crainte vaine ; jusqu’à maintenant, le chercheur se réfute lui-même et ses conclusions sont pessimistes : en cette matière, un peu plus de lumière sur ce qui a eu lieu ne fait pas entrevoir comment agir pour en éviter le retour. Se confirme là l’heureuse impuissance des « sciences humaines ».
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