La remise en cause du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) ne concerne pas que l’Europe. Sa dimension asiatique est devenue primordiale avec le développement des capacités balistiques de la Chine qui remettent en cause les équilibres régionaux. Dès lors, il importe de limiter une course aux armements dans cette région.
La fin du traité FNI : une question essentiellement asiatique ?
The End of the INF Treaty: an Essentially Asian Issue?
Doubt over the future of the INF Treaty does not only concern Europe. Its Asian dimension has become of critical importance given China’s development of ballistic capabilities, which in turn are upsetting regional balances. It is now important to limit an arms race in the region.
La fin – à première vue inexorable – du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) a été largement réduite par la majorité des commentateurs à une menace nucléaire pour la sécurité de l’Europe. On nous explique plus ou moins doctement que « toute l’architecture du désarmement nucléaire est en péril », en pointant l’histoire de la crise des euromissiles (1). C’est là une lecture biaisée de l’histoire mais aussi des enjeux actuels. On ne sauvera sans doute pas le traité FNI, mais on peut encore espérer contrôler la course aux armements, à condition de prendre en compte les problématiques asiatiques et l’importance nouvelle du volet conventionnel en matière balistique.
Le traité FNI, un sujet très asiatique… dès 1983
Il faut d’abord rappeler que le traité FNI est un instrument qui ne liait initialement que deux États : les États-Unis et l’URSS, même si, en leur temps, Français, Britanniques, Allemands et Japonais furent très actifs dans la négociation (2). Plusieurs États se sont conformés de manière volontaire aux « prescriptions » du traité FNI, principalement en Europe de l’Est, mais le traité n’a jamais eu aucun effet d’entraînement global ou de création de standard et surtout pas en Asie. Il est donc, par essence, très différent du Traité de non-prolifération (TNP), l’un des mieux signés de l’histoire de l’ONU.
Signé le 8 décembre 1987, le traité FNI mit un terme à une longue crise provoquée par l’apparition de nouveaux missiles balistiques « de portée intermédiaire » déployés par l’Union soviétique à la fin des années 1970. Parvenus à une forme de parité sur les armements stratégiques, les Soviétiques déployèrent ces missiles avec l’ambition claire de « découpler » Washington de ses alliés. Grâce à ces armes incapables de menacer le territoire américain, Moscou pouvait détruire des cibles situées en Europe occidentale et, on l’oublie souvent, au Japon, sans avoir recours à des armes nucléaires intercontinentales. En cas de conflit, il devenait possible de lancer une frappe sur les installations militaires européennes, sans menacer les États-Unis, ce qui rendait une rétorsion nucléaire de la part de Washington plus hasardeuse politiquement. La réponse avait consisté à déployer également des forces intermédiaires en Europe, symbolisées par les missiles Pershing. Le retour à une forme d’équilibre permit d’engager un cycle de négociations sur un terrain plus équilibré. Mais l’option restait, c’est important pour la suite, nucléaire (3).
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