Les guerres numériques sont réelles et les États-Unis une cible privilégiée. Face aux attaques hybrides, les réponses visent à dissuader les adversaires, mais aussi à agir directement. Le soft power américain dans ce domaine est une source de supériorité, mais aussi de fragilité tant les outils sont utilisés pour contrer ceux qui les ont conçus.
Cyberdissuasion et guerres de l’information : l’Administration Trump à l’offensive
Cyber-Deterrence and Information Wars: the Trump Administration on the Offensive
Digital wars are with us, and the United States is a favoured target. In the face of multi-faceted attacks, responses are aimed both at deterring adversaries and at direct action. US soft power in this field is a factor of superiority, but also of vulnerability given that the ‘weapons’ are being used against the very people who designed them.
Les guerres numériques nécessitent la réaffirmation de la souveraineté des États-Unis dans l’espace cyber alors que ses infrastructures (civiles et militaires) sont menacées. L’affirmation d’une posture cyberoffensive américaine participe d’une stratégie de dissuasion à l’endroit des principales puissances adversaires (Russie, Chine, Iran, Corée du Nord), et dans une certaine mesure contribue à la réassurance des puissances moyennes dont les infrastructures de défense sont particulièrement visées dans le cadre des conflits hybrides.
En février 2019, le Washington Post annonçait, ce que les milieux politiques américains espéraient depuis plusieurs mois, que l’armée américaine avait réussi, à l’automne 2018, à « débrancher l’IRA » (l’Internet Research Agency de Saint Petersburg) (1) et donc à protéger le bon déroulement des élections de mi-mandat (Midterms) aux États-Unis, en empêchant de nuire ceux-là mêmes qui auraient favorisé l’interférence russe dans la campagne présidentielle de 2016. Ce prétendu scoop journalistique, largement relayé dans les médias internationaux et les réseaux sociaux, venait confirmer une rumeur entretenue depuis plusieurs semaines à Washington sur les capacités de l’United States Cyber Command et de la NSA de l’Administration Trump à pratiquer des opérations « musclées », de lutte offensive contre d’éventuels hackers liés au Kremlin (2). Cette opération s’inscrivait dans un effort de l’ensemble du gouvernement américain, appelé « interagence », pour contrer l’influence russe dans le processus électoral de 2018. Le ministère de l’Intérieur DHS (Department of Homeland Security), le département d’État, ainsi que celui de la Justice et le FBI ont en effet travaillé de concert sous le commandement du général Paul Nakasone. Cette opération d’intimidation conduite par le Cybercom (dixième commandement interarmées depuis 2018) a pris la forme d’une campagne de messaging numérique à destination des hackers présumés pour les « dissuader d’interférer dans le processus électoral en ayant recours à la désinformation » (3).
La « campagne d’information », autour de cette manifestation de force dans l’espace cyber traduisait la volonté du gouvernement américain, comme du Congrès, de communiquer sur la capacité d’intimidation ou de dissuasion des États-Unis dans le 5e domaine de lutte identifiée par la doctrine américaine (Land, Sea, Air, Space, Information) (4). Cela s’inscrivait donc dans la STRATCOM américaine et traduisait l’évolution du débat public autour des opérations d’information (Info Ops) et des opérations de lutte informatique, toutes deux constituant des outils devenus traditionnels de la guerre psychologique pour la doctrine américaine. Ces débats sont devenus depuis plusieurs années (2011-2019) plus transparents comme en témoignent les auditions au Congrès débattant de la capacité offensive de l’armée américaine dans l’espace cyber (5).
Il reste 84 % de l'article à lire
Plan de l'article