Bouteflika – L’histoire secrète
Bouteflika – L’histoire secrète
Menteur, arriviste, fainéant, paranoïaque et bien peu intéressé par le bien-être de son pays. Le portrait dressé par Farid Alilat dans Bouteflika – L’histoire secrète s’avère terrible pour l’ancien maître de l’Algérie.
Le journaliste de Jeune Afrique, qui a côtoyé le Président africain (1999-2019) pendant de longues années, a recueilli pour cette biographie le témoignage de multiples protagonistes politiques et militaires. Tous sont restés anonymes. On ne peut que le regretter, sans pour autant s’en montrer surpris. L’omniprésence du culte du secret, des manigances et de la corruption depuis plusieurs décennies empêche la libre parole de témoins privilégiés… eux-mêmes parfois suspectés de tels maux. Sans pouvoir s’appuyer des sources claires, le lecteur demeure toutefois captivé par ce destin hors du commun, dans un livre truffé d’anecdotes saisissantes, bien que le récit, sur la forme, soit plutôt décousu.
Le parcours d’Abdelaziz Bouteflika a tout de celui d’un personnage de roman, où l’ambitio n et l’opportunisme valent plus que les idéaux. La lutte pour l’indépendance ? Le jeune homme né au Maroc a mis un peu de temps avant d’y prendre part, lui le fils d’un espion du régime colonial à Oujda, mort dans des circonstances suspectes. En rejoignant en 1957 l’Armée de libération nationale, l’ascension commence. Affable, il sait jouer de son charme pour se rapprocher des bonnes personnes, à commencer par les deux leaders Ahmed Ben Bella et Houari Boumédiène.
Le premier, devenu Président de l’Algérie, fait de Bouteflika, âgé de seulement vingt-six ans, son ministre des Affaires étrangères en 1963. Néanmoins, c’est bien avec Boumédiène que des liens se développent. Farid Alilat le décrit comme un père de substitution pour Bouteflika. Les deux hommes complotent d’ailleurs rapidement pour écarter Ben Bella du pouvoir et donner à Boumédiène les clefs du pays en 1965.
Sans surprise, l’égocentrique chef de la diplomatie algérienne, amateur de fêtes et de femmes, se voit comme l’héritier naturel de son maître. Il lui faudra pourtant attendre plus de vingt ans. Avec la maladie, le déclin et la mort de Boumédiène en 1978, Bouteflika se rapproche une première fois du Graal. Comme souvent avec lui, sa soif de pouvoir le pousse à des manigances et bassesses. Selon Farid Alilat, Bouteflika fait croire à l’existence d’un testament politique du défunt pour accéder au pouvoir. Pourtant, l’ambitieux subit un échec : Chadli Bendjedid lui est préféré.
Il faudra une disgrâce (écarté du gouvernement en 1979), une traversée du désert passée en grande partie dans le confort suisse et les dorures des Émirats arabes unis, et la guerre civile (période sur laquelle s’attarde malheureusement peu Alilat), avant que Bouteflika revienne sur le devant de la scène et soit à deux doigts de parvenir à ses fins en 1994. Ses relations compliquées avec les chefs de l’armée algérienne repoussent l’échéance. Ses propres peurs à l’idée de devoir gérer un pays au bord du chaos constituent une autre raison majeure : « Le faste de la République, oui, les tracas de la présidence, non », explique Alilat.
Finalement, en 1999, avec l’appui des militaires et dans une situation politique un peu plus calme, Bouteflika triomphe. Il aurait toutefois exigé qu’on gonfle son score électoral pour accepter son couronnement. Un caprice annonciateur de la suite : Bouteflika s’accroche au pouvoir, multipliant les coups de couteau à l’encontre de la démocratie algérienne, installant un clanisme à outrance, où ses frères deviennent omniprésents, plus puissants que les Premiers ministres qui se succèdent.
Après avoir modifié la constitution pour demeurer en poste et s’être fait réélire plusieurs fois contre vents et marées, malgré des AVC qui l’ont laissé proche de l’impotence, celui qui rêvait de mourir sur son trône a dû céder en avril 2019. L’armée algérienne l’a finalement lâché, sous la pression de dizaines de milliers de manifestants furieux du bilan désastreux d’un Président ubuesque. Que restera-t-il d’Abdelaziz Bouteflika dans les livres d’histoire ? À lire Farid Alilat, pas grand-chose… ♦