La signature des Traités en 2010 s’inscrivait dans la suite de la crise financière de 2008, obligeant à revoir à la baisse les ambitions stratégiques des deux États. Aujourd’hui, si le diagnostic sur les enjeux est clairement partagé, les voies suivies par Paris et Londres divergent quelque peu. Or, il y a un vrai besoin d’un engagement mutuel. Ce sera l’un des défis post-Brexit.
Sortir de l’impasse stratégique : coopération franco-britannique en matière de défense européenne
Breaking the Strategic Impasse: Franco-British Cooperation on European Defence
The signature of the Treaties in 2010 followed in the wake of the 2008 financial crisis, which compelled the two countries to reduce their strategic ambitions. Whilst today the countries clearly share an analysis of what is at stake, the policies followed by London and Paris are somewhat divergent. Nevertheless, there is a need for mutual commitment. This will be one of the post-Brexit challenges
Lorsque David Cameron et Nicolas Sarkozy ont signé les traités de Lancaster House en 2010, la France et le Royaume-Uni avaient déjà renoncé à l’essentiel de l’ambition d’être une avant-garde commune pour le développement de la défense de l’UE, ambition inscrite dans la déclaration de Saint-Malo de 1998 (1). L’accord bilatéral de 2010 – qui a eu lieu dans un contexte où peu de progrès avaient été réalisés en matière de défense de l’UE, le Royaume-Uni subissant une pression croissante pour tenir un référendum sur l’adhésion à l’UE et la France venant de rejoindre la structure de commandement militaire de l’Otan – marquait la fin de l’objectif de prendre la direction partagée pour faire progresser la création d’une force militaire de l’UE capable d’une action autonome. Au lieu de cela, Paris et Londres ont décidé de mener à bien leur rapprochement bilatéral, afin de répondre à leurs propres besoins opérationnels et stratégiques urgents au lendemain de la crise financière mondiale de 2008.
Au cours des dix dernières années, et malgré une certaine déception de part et d’autre, les deux pays ont beaucoup fait pour renforcer leur coopération en matière de capacités conventionnelles, de dissuasion nucléaire et de coopération opérationnelle (2). La détérioration de l’environnement sécuritaire en Europe aujourd’hui appelle à davantage de coopération et de leadership franco-britannique. Mais dans le même temps, les ambitions européennes des deux pays se sont encore plus éloignées qu’elles ne l’étaient en 2010. Alors que Boris Johnson se prépare à un Brexit acrimonieux et cherche au-delà de l’Europe des partenaires partageant les mêmes idées, Emmanuel Macron plaide pour une plus grande intégration de la défense de l’UE et pour l’autonomie de l’Europe dans les affaires mondiales. Avec les deux pays sur des trajectoires européennes si différentes, Londres et Paris peuvent-ils trouver un terrain d’entente pour accroître conjointement la sécurité en Europe ?
Un diagnostic partagé
La Grande-Bretagne et la France partagent de plus en plus un diagnostic commun sur la sécurité européenne. Londres et Paris partagent l’évaluation selon laquelle le nouveau statu quo – qui inclut des institutions multilatérales affaiblies et contestées, un vide dans le leadership mondial en raison du retranchement américain et une rivalité croissante entre les États-Unis et la Chine – présente des choix stratégiques difficiles, qui ont été amplifiés par la pandémie actuelle de la Covid-19. Malgré leurs capacités militaires à spectre complet, leur arsenal nucléaire et leur siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, la France et le Royaume-Uni se retrouvent aujourd’hui avec plus de défis, et peut-être moins de moyens, dans un monde de plus en plus incertain.
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