Le retour d’expérience a mis du temps à être reconnu comme essentiel. Ainsi, celui lié à l’emploi du Génie durant la guerre du Golfe ne fut pas exploité par le commandement. Il fallut attendre les Balkans pour que le processus du Retex devienne une pratique essentielle dans le cadre des opérations.
L’institution militaire face au « retour d’expérience » du « terrain de guerre »
The Military Institution in the Face of Lessons Learned in a War Zone
It has taken some time for feedback on experience, or lessons learned, to be recognised as essential. So it was that feedback from the army’s sappers during the Gulf War was not exploited by the command. Indeed, it was not until the Balkans conflict that feedback became essential practice within the framework of operations.
L’intervention du général Jacques Manet permet d’aborder la problématique du « retour d’expérience » (Retex) du « terrain de guerre », à partir de l’exemple de l’engagement de l’arme du génie au cours de la guerre du Golfe (1990-1991). Qu’en est-il de la prise de parole militaire sur l’expérience combattante et les conditions d’emploi des forces armées ? Comment cette parole est-elle diffusée et reçue ? Face au retour de la guerre, l’institution militaire du temps de paix peut-elle évoluer rapidement ?
Au début de votre carrière, quel était le climat au sein du génie ?
À ma sortie de l’École du génie en 1966, presque tous les chefs de corps, officiers supérieurs et capitaines des régiments de l’Armée de terre, et donc du génie, ont « fait » l’Algérie, nombre d’entre eux ont servi en Indochine et les plus anciens ont participé à la Seconde Guerre mondiale. Face aux jeunes lieutenants de ma génération, ces Anciens étaient profondément marqués, aux plans militaire et moral, par les conflits dans lesquels ils avaient été engagés. À cette époque, notre armée quitte le commandement militaire intégré de l’Otan, s’engage dans l’ère de la dissuasion nucléaire, connaît une mutation profonde avec la mécanisation de ses unités et se prépare à affronter défensivement, sur le théâtre centre européen, un adversaire supérieur en nombre et venant de l’est. C’est une véritable révolution qui s’opère dans tous les esprits…
Comment décrivez-vous ce génie de la « guerre froide » ?
Le Génie de la « guerre froide » était bien équipé pour appuyer les unités de mêlée dans un combat interarmes à caractère défensif. Nous avions des moyens de minage et de destruction performants et étions dotés de moyens de franchissement efficaces. Nous étions bien entraînés à la mise en œuvre de ces équipements. Le schéma général de la manœuvre interarmes défensive était immuable : on reculait de « ligne de cohérence » en « ligne de cohérence » sur lesquelles on effectuait des coups d’arrêt face à l’adversaire… Jusqu’à l’emploi de l’arme nucléaire… Tout au plus menait-on des contre-attaques de portée et de durée limitées, le plus souvent pour rétablir notre dispositif et sans emploi du génie. Dans ce schéma exclusivement défensif, le génie prenait toute sa place : minage et destructions en avant de la ligne de coup d’arrêt, appui au franchissement des unités en repli, modes d’action bien connus, unités bien entraînées, équipements bien adaptés. Mais personne, à quelque niveau que ce soit, ne s’aventurait à imaginer des actions offensives de grande envergure, encore moins à réfléchir aux équipements qu’il serait alors nécessaire de développer…
Il reste 75 % de l'article à lire
Plan de l'article