La conflictualité a beaucoup évolué et voit de nouveaux acteurs engagés sur le terrain. Des compétiteurs stratégiques ont vu l’intérêt d’employer des entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD). Il serait judicieux pour la France de réfléchir à ce mode d’action qui pourrait renforcer ses capacités opérationnelles.
Plaidoyer pour la création d’une grande entreprise de services de sécurité et de défense (ESSD) française
A Plea for the Creation of a Large French Company for Defence and Security Services
The nature of conflict has evolved enormously and is seeing new players deployed on the ground. Strategic competitors have seen the value of employing defence and security services companies. It would be wise for France to consider such an action which could boost its operational capabilities.
L’évolution récente de la conflictualité se caractérise de plus en plus par la participation plus ou moins directe à des conflits (Ukraine, Syrie, Libye, Haut-Karabagh) de sociétés de sécurité privée dont le lien avec des forces armées souveraines ne trompe aucun observateur, telles Wagner pour la Russie et Sadat pour la Turquie. Des compétiteurs stratégiques de la France ont compris quels avantages ils pouvaient tirer de la participation non revendiquée à des phases de conflits, de la part de sociétés non liées officiellement à leur appareil étatique et à leurs forces armées, mais agissant bien à leur profit. À l’heure où l’éthique des affaires a envahi les cahiers des charges des appels d’offres internationaux, il ne s’agit pas pour une ESSD française de copier de telles sociétés dont certains modes d’action sont largement condamnables. Mais constatons que certains outils et procédés participant à des stratégies hybrides de compétiteurs sont, d’un point de vue militaire et plus largement d’approche globale, largement commentés, et étudiés parfois avec jalousie au sein de l’institution militaire comme par le monde de la sécurité privée. De manière plus précise, l’action de ces sociétés étrangères s’inscrit dans le cadre d’offensives multidomaines au sein desquelles le volet économique est bien présent. Les gains, de court terme, se comptent en termes d’influence politique, diplomatique, économique et stratégique ; avec un coût politique faible, la volonté de l’adversaire est entravée, ses intérêts attaqués, son énergie usée, face aux dilemmes qui lui sont posés.
Dès lors, se pose la question de savoir pourquoi la France devrait rester spectatrice d’une telle évolution et ne pas favoriser elle aussi l’éclosion d’une grande ESSD ? Le secteur civil ne recèle-t-il pas d’entreprises dont les capacités peuvent apporter des réponses efficaces à certains aspects de la conflictualité (1), tout en restant en conformité avec le droit : connaissance des environnements ; analyse des risques et des menaces ; capacités d’action dans de nombreux domaines ; soutien logistique ; fourniture d’informations… ? C’est pourtant bien l’intégration de ces différentes capacités sous l’égide d’un opérateur civil et privé majeur agissant dans l’intérêt national et capable de se coordonner ponctuellement avec des acteurs autant privés qu’institutionnels qui fait défaut en France. Ainsi construite, une telle entreprise pourrait remporter des marchés comportant des dimensions sécuritaires et stratégiques.
Pour conduire ce projet, il est temps de mener une révolution d’abord sur le plan culturel, car une révision complète de logiciels d’acteurs nationaux est nécessaire. Ensuite, sur le plan organisationnel, définir le fonctionnement d’un tel groupe, en interne et dans ses relations avec les mondes économique et institutionnel. Enfin, passer à l’action, c’est-à-dire conquérir des marchés en s’appuyant sur des principes intangibles et une vision de long terme.
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