Editorial
Éditorial
Il y eut le 11 septembre 2001. Il y a désormais le 24 février 2022, avec une bascule géopolitique majeure dont les conséquences vont marquer la décennie actuelle et modifier durablement le paysage stratégique. La guerre en Ukraine rythme désormais notre quotidien au point de provoquer une crise économique et sociale à l’approche de l’hiver. Ce conflit majeur entre deux États souverains repose la question de notre défense avec des interrogations sur le modèle d’armée à prévoir pour répondre aux nouveaux défis. Et si l’essentiel des combats se déroule à l’Est avec une prépondérance des forces terrestres, c’est bien la totalité du spectre militaire qui est concernée, mélangeant hybridités, milieux, technologies et forces morales.
Cela signifie également que l’action militaire est par nature multimilieux. Après quatre ans d’absence, en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19, le salon Euronaval va réunir, fin octobre, tous ceux qui, de près ou de loin, sont concernés par la question maritime. Et en quatre ans, tout a quasiment changé, avec l’accélération des tensions, la compétition des nations et la fin de la mondialisation « heureuse ». Vulnérabilité des approvisionnements pour l’Europe mise en lumière par la Covid, blocage intempestif du canal de Suez en mars 2021 par une fortune de « canal », agressivité de la Chine avec ses ambitions tant en Indopacifique que le long des nouvelles Routes de la Soie et enfin guerre en Ukraine…
D’où le besoin de faire le point sur la stratégie navale du futur avec ces approches croisées, soulignant toutes le besoin urgent de renforcer nos capacités dans ce milieu. Face aux défis de demain, plus que jamais l’océan sera à la fois un espace de coopérations, notamment au regard du réchauffement climatique ; de compétition pour le contrôle des ressources – qu’elles soient halieutiques ou extraites des entrailles des pro fondeurs – et des routes maritimes représentant 90 % du commerce mondial ; et de confrontations entre marines de guerre (en utilisant sciemment cette expression), que ce soit en Indopacifique, en Méditerranée ou encore en mer Noire.
La difficulté pour un pays comme la France (1 % de la population mondiale et 2e ZEE au monde) est de se doter des moyens de son ambition, alors même que les ressources budgétaires restent limitées. Les arbitrages deviennent complexes d’autant plus que l’accélération des technologies et des modes d’action peut rendre obsolète demain des choix faits aujourd’hui. Il faut aussi qu’une plateforme navale, dont la durée de vie atteint environ une quarantaine d’années, puisse évoluer et s’adapter aux évolutions des équipements et des systèmes d’armes. Il s’agit, en 2022, de concevoir des ensembles appelés à travailler en réseaux jusqu’au-delà de 2050. Un pari exigeant, mais indispensable pour préserver notre autonomie stratégique.
À la lumière des premiers enseignements de la guerre en Ukraine, il en ressort de toute façon une certitude qui pourrait même être un des principes de la guerre selon le Maréchal Foch. C’est la qualité des ressources humaines : commandement efficace et réactif, soldats bien entraînés et bien équipés, force morale de la nation derrière ses combattants. Ce sont bien les hommes et les femmes qui feront la différence au combat, quels que soient les moyens employés. ♦