Editorial
Éditorial
Dans la chaleur caniculaire de cet été, le Centre hospitalier de Corbeil-Essonnes est victime d’une cyberattaque, paralysant à la fois son fonctionnement, le traitement des malades suivis, mais aussi voyant la fuite des données personnelles des patients. Une rançon de 10 millions de dollars est demandée. Il fallut des semaines pour rétablir les systèmes, obligeant même à des transferts de personnes hospitalisées. En novembre, le groupe Thales est attaqué par LockBit 3.0, un groupe de hackers russes, cherchant à déstabiliser l’industriel spécialiste de défense et de télécommunications, par des méthodes d’extorsion et de rançongiciel. Mi-novembre, Elon Musk, le nouveau et fantasque propriétaire du réseau social Twitter, rétablit le compte de Donald Trump ; l’ancien Président des États-Unis est à nouveau candidat pour 2024, alors même qu’il en avait été banni en janvier 2021 suite aux événements du Capitole. Réouverture du compte au nom de la liberté d’expression.
Trois exemples d’une réalité trop méconnue du monde numérique qui nous entoure et auquel il est désormais quasi impossible d’échapper à moins de vivre en ermite retiré du monde. Et si le cyber révolutionne la connaissance via Internet et apporte des progrès incommensurables, hélas, il est aussi un espace où la concurrence, la compétition, la confrontation, voire la guerre hybride sont des réalités aujourd’hui inévitables.
D’où ce dossier sur la souveraineté et la résilience numérique, devenues des enjeux prioritaires pour les États, dont le nôtre. Il y va de notre capacité à fonctionner et à affronter les crises qui se succèdent depuis la pandémie ayant démontré la fragilité d’une mondialisation mal contrôlée et, avec la guerre en Ukraine, déstabilisant non seulement l’Est du continent européen, mais dont les effets affectent la quasi-totalité des pays de la planète.
Par des approches croisées, il apparaît clairement que si des progrès ont été faits en France pour améliorer notre résilience face à la violence du cyberespace, il existe de fortes marges de progrès, alors même que les technologies se développent à des vitesses exponentielles. On peut souligner, ici, l’importance des ressources humaines pour faire face à cette explosion du virtuel, avec des difficultés quant à conserver et fidéliser les talents, en particulier dans les différentes fonctions publiques dont la défense. À cela se conjuguent la complexité de l’accélération des technologies avec les risques d’obsolescence rapide et la capacité à réfléchir sur le long terme pour définir les politiques les plus efficaces. L’effort de prospective n’est pas aisé, mais il est plus que jamais indispensable.
Le paradoxe de ce dossier est qu’il porte sur des espaces dématérialisés où les algorithmes font la loi, alors même que la guerre en Ukraine est des plus violentes avec ses cortèges de victimes et de ruines, et où les lois des conflits armés sont trop souvent violées. Mais de fait, il y a hélas une continuité totale de la guerre, avec une hybridité polymorphe en mutation permanente. Le cyberespace est aussi un champ de bataille. ♦