Les Règles opérationnelles d’engagement (ROE) ont répondu à un contexte spécifique aux Opex où les limitations se justifiaient pour l’usage de la force. Or, les exigences de la haute intensité face à un adversaire symétrique sont telles qu’il est nécessaire de revoir nos règles d’emploi, tout en respectant le droit des conflits armés.
Préparation à la haute intensité : l’occasion de refonder nos règles d’engagement
Preparation for High Intensity: Time to Revise our Rules of Engagement
The operational rules of engagement (ROE) were created to cover the specific context of overseas operations in which the constraints justified the use of force. That said, the demands of high-intensity operation against a symmetrical adversary are now such that we need to revise our rules of use of force whilst continuing to obey the laws of armed conflict.
Le 13 juillet 2022, le général d’armée Thierry Burkhard, Chef d’état-major des armées, présentait devant la Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale sa perception de l’évolution du contexte international. Ce dernier est caractérisé par le renouveau de la puissance et par des interactions ayant davantage de portée stratégique. Il emporte donc notamment la nécessité de dépasser le continuum « paix-crise-guerre » de notre classique grille de lecture d’appréhension du monde. Les armées prennent désormais le parti de se référer à un nouveau triptyque « compétition-contestation-affrontement ». Celui-ci les aide ainsi « à structurer [leurs] réflexions, [leurs] travaux et à expliquer [leur] appréciation de situation » (1).
Les nombreux engagements opérationnels de la France au cours des dernières décennies s’inscrivaient, et s’inscrivent encore, dans leur conception et leur conduite sur l’ancien triptyque au cœur duquel il s’agit systématiquement d’encadrer et de limiter l’usage et le recours à la force. Alors que certains tendent encore à considérer les Règles opérationnelles d’engagement (ROE) exclusivement sous le prisme de normes « juridiques » imposées par les Conseillers juridiques opérationnels (LEGAD), elles ne répondent probablement plus à l’un des deux seuls temps que connaît le juriste : celui de la paix et celui de la guerre. Outil du commandement, les ROE apparaissent ne plus subvenir aux nécessités du nouveau triptyque. Si celles-ci sont nées dans un contexte particulier, aujourd’hui dépassé par la nécessité de redéfinir le niveau de risque accepté dans les opérations, il convient, pour « gagner la guerre avant la guerre », de reconquérir les marges opérationnelles rognées par l’usage exclusif des ROE.
Les ROE, un outil de maîtrise de la force apparu dans un contexte particulier
La doctrine française définit les ROE comme étant « des directives provenant d’une autorité militaire désignée, avalisées au niveau politique et adressées aux forces engagées dans une opération extérieure (Opex) déterminée, afin de définir les circonstances et les conditions dans lesquelles ces forces armées peuvent faire usage de la force ou effectuer toute action pouvant être interprétée comme hostile. L’usage de la force comprend l’emploi des armes et toutes les mesures et actions à caractère coercitif susceptibles de limiter la liberté et les droits des personnes (2). »
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