Rivalité sino-américaine en Indo-Pacifique – Chroniques de Tokyo
Rivalité sino-américaine en Indo-Pacifique – Chroniques de Tokyo
Aujourd’hui, le contexte géopolitique de la rivalité sino-américaine présente de nombreux défis. Hervé Couraye vit et travaille au Japon depuis de nombreuses années. Dans cet ouvrage, composé de plusieurs chroniques, l’auteur nous donne des clés de compréhension utiles pour percevoir et comprendre les enjeux multiples de la rivalité entre Washington et Pékin. La relation sino-américaine se traduit par deux visions concurrentes dans les affaires internationales, chacun œuvrant pour la poursuite de ses intérêts nationaux. Cette relation s’appuie sur des perspectives de confrontation plutôt que de coopération : « Dans les systèmes bipolaires, chaque grande puissance n’a pas d’autres choix que de s’affronter directement ou indirectement ». Ici, c’est l’Indo-Pacifique qui est le théâtre de cet affrontement en concentrant l’ensemble des enjeux des deux puissances, tant économiques que diplomatiques et militaires.
La zone Indo-Pacifique, où passe 25 % du trafic maritime mondial, est située entre l’Afrique et l’Indonésie, au sud de l’Iran, du Pakistan et de l’Inde, et des portes de la Chine. Cet espace maritime constitue autant d’autoroutes et de voies navigables, qui se classent parmi les fondements géographiques du pouvoir politique et militaire, et des zones clé dans chaque conflit. Le contrôle des positions périphériques à l’instar des détroits de Taïwan, de Malacca ou de Singapour recouvre une grande importance. Ainsi, il est primordial de souligner que tous les États ayant des intérêts stratégiques dans les océans Indien et Pacifique sont concernés par le contrôle de la zone.
C’est le cas de la Chine, qui ne reconnaît pas encore le concept Indo-Pacifique, préférant défendre la zone Asie-Pacifique, qui exerce, d’ores et déjà, une posture évidente dans la région. En tant que puissance démographique, économique et industrielle majeure, elle apparaît comme un adversaire capable de perturber les équilibres régionaux dans la rivalité sino-américaine. Bien que les États-Unis aient une présence historique et stratégique dans la zone, leur suprématie maritime est aujourd’hui concurrencée sur les bases de l’espace régional formé de deux océans et de deux continents. L’Administration Biden fait preuve de détermination pour mettre en œuvre les mesures nécessaires afin de rééquilibrer les ressources américaines dans cette compétition.
Pour Washington, l’avenir de la coopération internationale réside dans les alliances, en créant des interconnexions entre celles transatlantiques et transpacifiques. Les alliances QUAD et AUKUS – qui rassemblent l’Australie, le Japon et l’Inde d’une part, ainsi que l’Australie et les Britanniques d’autre part – opèrent comme un vecteur de dissuasion en Indo-Pacifique. Parmi les alliés des États-Unis, le Japon est un partenaire stratégique susceptible de fonctionner, si nécessaire, comme un point d’appui pour endiguer l’influence de Pékin en mer de Chine méridionale et dans l’océan Indien. Le Japon peut répondre militairement en cas d’engagement dans le détroit de Taïwan, dans la mesure où il est le seul pays allié qui accueille en permanence le porte-avions nucléaire américain et son groupe aéronaval (7e Flotte). Sans cette force de projection – dont le champ d’action s’étend aussi à l’océan Indien – les États-Unis ne seraient pas une telle puissance en Asie.
En somme, il s’agit de conquérir de nouveau espaces géoéconomiques et géopolitiques, des espaces périphériques qui cristallisent les rapports de force. En cela, gagner la compétition commerciale et technologique pour garantir la prospérité et le développement de la société américaine est perçu comme un moyen de contrer l’influence grandissante de la Chine. Au vu de tels enjeux stratégiques et géopolitiques internationaux, la question réside également dans le positionnement des pays alliés de l’Asie-Pacifique, de l’Europe et du reste du monde. Pour Hervé Couraye, il est déterminant de s’interroger sur les scénarios possibles d’un conflit conventionnel, les démonstrations de force par Pékin en mer de Chine se sont multipliées ces dernières années et les incidents sino-américains sont de plus en plus fréquents. Il affirme qu’un dialogue stratégique sérieux et une entente de cette alliance sino-américaine pourraient diminuer les risques les plus dangereux en abordant plus en profondeur des sujets sensibles pour la paix. ♦