Editorial
Éditorial
Tel un tremblement de terre avec ses répliques, le 24 février 2022 continue à remettre en cause les certitudes géopolitiques des dernières décennies. Après la chute du mur de Berlin et la période des « dividendes de la paix » avec un désarmement réel de l’Europe, puis l’ébranlement provoqué par les attentats du 11 septembre 2001 et dont les conséquences se poursuivent encore – même au-delà du repli occidental à l’été 2021 de Kaboul – une nouvelle ère de compétition–confrontation–affrontement s’est ouverte lorsque les blindés russes franchirent la frontière avec l’Ukraine, État souverain refusant la tutelle moscovite.
Certes, le monde occidental (dont la définition reste complexe) a très vite décidé de soutenir Kiev avec une montée en puissance progressive de l’appui militaire et politique au regard de la remarquable résistance ukrainienne, mais force est de constater que d’autres Nations comme celles du « Sud global », dont l’unité et l’identité ne font pas l’unanimité, rechignent à choisir un camp au risque de fermer les yeux sur la nature même de la guerre infligée par Moscou. L’échec militaire russe – du moins par rapport aux objectifs du printemps 2022 – ne signifie pas pour autant la fin du conflit et les derniers mois ont vu un enlisement sur une ligne de front rappelant les pires heures des guerres mondiales avec des batailles acharnées pour gagner quelques arpents de terre ou des immeubles réduits à l’état de ruines.
De fait, entre la guerre d’Ukraine et la mondialisation de ses effets comme la hausse des prix de l’énergie et des céréales, l’ambition ouvertement affichée de Pékin de reprendre Taïwan, les remises en cause des règles internationales décrites par certains comme obsolètes car trop « occidentales », tout concourt à fragiliser l’idée même de Paix. Cette Paix est-elle juste l’absence de guerre ou une forme chimérique et idéalisée des relations entre les peuples ? Que signifient aujourd’hui les notions de multilatéralisme et de droit international ? Que doit-on mettre derrière l’idée de sécurité ? Est-elle même partagée entre les acteurs internationaux ?
Autant d’interrogations et donc de réflexions proposées dans les deux gros dossiers de ce numéro dense qui essaye de décrypter ce nouvel ordre international avec ses fractures, ses désordres, ses périls mais aussi de possibles pistes pour sortir d’un affrontement aux conséquences stériles pour certains États voulant se reconstruire un Empire. Il en ressort, cependant, une impression de réalisme, voire de pessimisme au regard des différentes contributions rassemblées ici. Cela signifie plus que jamais qu’il importe de comprendre le monde tel qu’il est, et non pas tel que nous aimerions qu’il soit. Cela exige aussi d’assumer nos responsabilités en nous donnant les moyens d’agir plutôt que de subir. C’est d’ailleurs l’un des enjeux majeurs de la prochaine Loi de programmation militaire 2024-2030. Construire la défense de demain pour préserver la Paix et contribuer à un ordre international juste. ♦