Editorial
Éditorial
Dans un contexte de rupture stratégique majeure marquée par le 24 février 2022, la France s’est dotée cet été d’une nouvelle Loi de programmation militaire pour couvrir la période 2024-2030 avec un effort sans précédent concrétisé par le montant de 413 milliards d’euros. Cette LPM 2024-2030 va succéder à l’actuelle (2019-2025) qui prévoyait de consacrer 290 Md € avec l’objectif de « réparer » un outil de défense. Mis à mal depuis des décennies en ayant été sacrifié aux « dividendes de la paix », celui-ci avait cependant su répondre à toutes les missions données par l’autorité politique au prix de multiples réorganisations douloureuses.
L’intérêt de cette LPM est qu’elle est politique par essence puisque proposée par l’exécutif et votée par le Parlement. Et dans l’agitation de cette législature, le choix par les deux Chambres traduit la prise de conscience par le parlementaire de la bascule géopolitique qui désormais constitue la boussole stratégique pour notre défense. C’est donc un acte essentiel qui vient renforcer les choix présentés et soutenus par les plus hautes autorités militaires. C’est d’ailleurs l’aboutissement de la démarche qui sous-tendait la mise en place des LPM au début des années 1960 pour créer les composantes de la dissuasion nucléaire et qui, au fil des lois, a permis de déterminer les objectifs fixés à notre Défense. En quelque sorte, le principe de la LPM est consubstantiel à la Ve République.
Le dossier proposé ici n’est pas exhaustif d’autant plus que plusieurs publications ont déjà largement décliné les ambitions et/ou les interrogations autour de cette nouvelle LPM. Par contre, il apporte un éclairage inédit soutenu par le texte commun du Chef d’état-major des armées (Céma) avec le Délégué général pour l’armement (DGA), traduisant l’esprit de cohérence ayant prévalu à la construction de cette LPM ambitieuse, réaliste et crédible. Il en est de même pour le Chef d’état-major de l’Armée de terre (Cémat) à l’heure certes des enseignements de la guerre en Ukraine, mais aussi de la nécessaire obligation de regarder bien au-delà d’un engagement sur le continent européen.
Car notre défense se doit d’être globale en reconnaissant le fait que le centre de gravité du monde a basculé vers l’Indo-Pacifique, cet espace majeur où se concentrent désormais plus de la moitié de la population mondiale et une grande part des flux économiques. De là, l’impérieuse nécessité soulignée par la LPM de se donner les moyens d’être un acteur crédible dans cette zone où se décide notre avenir. C’est l’un des enjeux qu’il faudra concrétiser pour que notre volonté politique ne soit pas juste une velléité mais une réalité concrète avec les moyens et les ressources nécessaires.
La RDN a toujours cherché à éclairer le débat stratégique avec des approches multiples. Réfléchir par le biais de la philosophie sur la guerre obéit à cette exigence de mieux comprendre. ♦