Nos outre-mer constituent un atout majeur pour la France mais restent vulnérables dans leur ravitaillement en cas de crise. Protéger ces lignes de communications, en particulier vers l’Indo-Pacifique, devient un impératif en utilisant un éventail de modes d’action et en renforçant nos partenariats stratégiques.
Le ravitaillement des outre-mer en environnement contesté
Resupplying Overseas Territories in a Contested Environment
French overseas possessions are a major asset for the country, and yet their resupply is vulnerable in time of crisis. It is becoming imperative to protect resupply lines, in particular to the Indo-Pacific, through the use of a range of modes of action and by reinforcing our strategic partnerships.
Note préliminaire : Cet article est tiré d’un mémoire de l’École de Guerre éponyme rédigé en 2023. Les scénarios évoqués par la suite de l’article sont détaillés et démontrés dans ce mémoire. Ce dernier aborde, en plus, la dépendance des outre-mer aux câbles sous-marins pour leurs flux de données, non abordée dans cet article. Une version plus courte de cet article a été publiée sur Le Marin.
Quelle pourrait être la réaction française, si un compétiteur stratégique, dans un avenir prospectif indéfini, s’attaquait de manière masquée aux communications maritimes entre la métropole et la Nouvelle-Calédonie afin d’exacerber les tensions séparatistes de l’île et tenter de l’arracher de l’orbite française ? Ce scénario n’est qu’une des formes que pourrait prendre une contestation, c’est-à-dire une remise en cause des règles établies, car les longues lignes de ravitaillement que la France maintient avec ses territoires ultramarins constituent une vulnérabilité jusqu’à présent peu évoquée. Pourtant ce ravitaillement de nos populations éloignées ne constitue-t-il pas un devoir régalien de l’État ? Après avoir succinctement évalué l’intérêt pour un contestataire d’agir sur nos lignes de communications ultramarines et établi son impact potentiel sur le ravitaillement alimentaire et énergétique des territoires visés, il s’agira de passer en revue les leviers dont dispose la France pour répondre à ce défi.
Des lignes de communication vitales pour nos territoires ultramarins
Cette problématique d’étude repose sur trois hypothèses. Premièrement, la mer est un espace de confrontation, une zone commune où s’expriment pleinement les stratégies contestataires. Deuxièmement, l’hybridité est un des modes classiques de la conflictualité maritime notamment par le volet de la guerre aux communications héritière de la guerre de course (1). Ce registre stratégique qui consiste à avancer masqué en utilisant des moyens civils, déguisés ou duaux et des modes d’actions non attribuables, est utilisé pour bousculer les principes établis et obtenir des faits accomplis. Enfin, les liens qui structurent escadres, flottes de commerce et territoires outre-mer sont anciens et constituent les bases d’une puissance maritime. Autrefois, il fallait une escadre pour défendre les richesses provenant des colonies. Cette même escadre profitait en retour des avantages à disposer de bases logistiques ultramarines. Aujourd’hui, il faut une flotte de commerce pour ravitailler les outre-mer et cette flotte a toujours besoin d’être protégée en cas de menace comme lors de l’opération Atalante de lutte contre la piraterie dans la Corne de l’Afrique. Ainsi, il apparaît qu’un contestataire pourrait voir un intérêt stratégique à faire peser une menace sur les lignes de ravitaillement vers nos outre-mer (2) afin de tester la réalité de notre puissance maritime et in fine la solidité du lien de souveraineté. En effet, ce lien de souveraineté, qui est surtout un lien de confiance, est déjà régulièrement sous tension : montée des indépendantismes, manifestations contre la vie chère, pénurie de certains produits lors de la crise Covid…
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