En cette fin d’année 2023, une nouvelle grammaire des relations internationales nous donne l’occasion d’évoquer ce qui tient l’alliance nippo-américaine dans ce moment d’affirmation chinoise. Une longue histoire prend fin : celle du concept de l’alliance comme un bouclier par la force américaine à protéger un pays ami. Paradoxalement, ce concept a valu longtemps de prévenir le mythe d’une remilitarisation du Japon, mais aujourd’hui l’alliance ne sert plus à rien si ses finalités ne sont pas redéfinies.

Portés par la rivalité sino-américaine, les principes de cette alliance s’en trouvent à nouveau bousculés. La carte de l’Indo-Pacifique qui se dessine éclaire cette nouvelle interprétation qui se traduit incontestablement par une nouvelle sphère d’influence sur la vocation des États-Unis à vouloir dominer cette partie du monde. Dans ses rapports avec Washington, on ne peut pas reprocher à Tokyo de ne pas avoir su vaincre sa nostalgie sur la grandeur de son passé ; par contre, on peut lui reprocher de manquer de grand dessein quant à l’organisation de son environnement stratégique. Fidèle à son rôle d’allié, son suivisme en est un. Un tête-à-tête avec les États-Unis qui caractérise quelque chose possédant des aspects positifs et d’autres qui le sont moins. Le Japon vit un moment spécifique dans sa relation actuelle avec les États-Unis, aussi bien en termes d’expansion territoriale que de longévité collective. L’alliance nippo-américaine comme une alliance face aux menaces géopolitiques qui se maintient par les moyens d’alliance diplomatique et de défense.

Dans Rivalité sino-américaine en Indo-Pacifique ⁽¹⁾, je rappelle l’importance de prendre les exemples des contextes stratégiques pour comprendre ce qui s’est passé et comment on entre dans une autre alliance nippo-américaine, car il se passe quelque chose de totalement nouveau dans ce siècle. L’invocation de la politique d’expansion maritime de la Chine en sa ligne de mire vient fournir une légitimité à ce tournant géopolitique. Cette alliance de protection se transforme en une alliance de projection à partir d’une architecture future de coopération de portée mondiale, où sa cohésion se pense de plus en plus en coordination avec la stratégie américaine, ce qui constitue une véritable rupture.