Preamble–The Académie de défense de l'École militaire (ACADEM—Defence academy of the military school), a Powerful Tool for Promoting French Strategic Thinking
Préambule - L’ACADEM, un outil puissant pour le rayonnement de la pensée stratégique française
Dans Vers l’armée de métier, publié en 1934, Charles de Gaulle résumait d’une jolie formule l’importance de la pensée stratégique au service d’une nation : « Au fond des victoires d’Alexandre, on retrouve toujours Aristote. » Grâce à l’Académie de défense de l’École militaire (ACADEM), inaugurée ce 26 octobre par le ministre des Armées Sébastien Lecornu, la pensée stratégique française peut rayonner plus fort et plus loin.
Cette création arrive en réponse à une nécessité géopolitique : la situation internationale et les mutations du contexte stratégique rendent plus importante que jamais notre capacité à renouveler notre pensée stratégique, à nourrir le débat européen et atlantique, et à accroître notre capacité d’influence vers nos partenaires et alliés.
Le pouvoir politique français a transformé ce constat en impulsion. En novembre 2022, la Revue nationale stratégique dévoilée par le président de la République instituait l’influence comme sixième fonction stratégique. Cette orientation a depuis été confirmée par la Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030. Le développement de cette nouvelle fonction stratégique passait par la création de foyers de rayonnement. Or, quel meilleur endroit que l’École militaire pour centraliser le rayonnement de la pensée stratégique nationale ?
Incontestablement, l’implantation parisienne possède à cet égard de très grandes possibilités. Au cœur de la capitale, ce site prestigieux, sans véritable équivalent au monde, peut se prévaloir d’une légitimité majeure en termes de formation. Le souvenir de Bonaparte, Foch ou de Gaulle continue de flotter parmi les murs de la vieille école voulue par le maréchal de Saxe.
Voici pourquoi le ministère des Armées a soutenu depuis plus d’un an le projet de création de l’Académie de défense de l’École militaire. Avec l’ACADEM, il s’agit, en premier lieu, de tirer tout le parti de la colocalisation sur ce même site des différents organismes, qu’ils soient rattachés au ministère des Armées, au ministère de l’Intérieur, ou à vocation interministérielle.
En deuxième lieu, l’ACADEM donne une existence à l’École militaire dans les esprits et les médias. Enfin, il s’agit de consolider une communauté humaine intellectuelle et affinitaire au sein de l’École militaire. Loin d’être une nouvelle « strate » administrative, l’ACADEM est une structure légère et fédératrice, vouée au seul rayonnement de la formation, de la recherche et de la doctrine françaises en matière de défense et de sécurité, à travers l’organisation d’événements, de séminaires et de forums communs aux différentes structures qu’elle rassemble.
Grâce à l’ACADEM et à la vingtaine d’organismes (1) qu’elle unit désormais, le développement de la réflexion tire profit de la possibilité d’échanges intellectuels offerte par la proximité géographique des différentes entités ; les moyens pédagogiques sont mutualisables ; enfin, la diversité des rattachements institutionnels des différents organismes n’empêche plus une communication événementielle et académique commune.
D’une certaine manière, on peut comparer le rôle de l’ACADEM dans le monde « physique » à celui que remplit la RDN dans l’imprimé : croiser, confronter, rassembler des éclairages de praticiens avec ceux de théoriciens, les témoignages d’acteurs de terrain avec les analyses de chercheurs… Dans les deux cas, le but est de diffuser la pensée stratégique et de susciter réflexion et débat en la matière.
Avec l’ACADEM, le ministère des Armées et, plus largement, l’État, peuvent désormais mieux valoriser ce formidable réservoir de ressources que représente l’École militaire. Rendue possible en moins de deux ans, cette création constitue en fait l’aboutissement d’une volonté bien plus ancienne. Dès la Libération, le gouvernement du général de Gaulle prévoyait la création d’une « académie de défense » pour la formation commune des élites militaires et civiles. Si cette ambition fit long feu, le site de l’École militaire devint à partir de cette époque le point de regroupement de l’Enseignement militaire supérieur (EMS) et de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). L’ambition fut fortement réaffirmée au début de la Ve République, mais le projet d’« université militaire » voulu par le Premier ministre, Michel Debré, échoua.
De ce bouillonnement résultèrent cependant quelques avancées. Les bibliothèques furent rassemblées en 2009 au sein de la Bibliothèque de l’École militaire (BEM). En parallèle, plusieurs structures de recherche furent regroupées pour former l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem), tandis que le Centre des hautes études de l’armement (CHÉAr) intégrait l’IHEDN. Enfin, relevons aussi qu’une Direction de l’enseignement militaire supérieur (DEMS) fut créée en 1958, rassemblant progressivement le Centre des hautes études militaires (CHEM), l’École de Guerre (EdG) et le CDEM.
Au fil des décennies, le poids de l’École militaire n’a donc cessé de croître. Elle abrite aujourd’hui l’essentiel des organismes d’enseignement supérieur, de recherche et de doctrine de l’État en matière de défense et de sécurité, si l’on excepte les grandes écoles de formation initiale et le Service historique de la Défense (SHD).
En constituant désormais un incubateur d’envergure internationale au service de la formation et des études stratégiques, c’est cette évolution historique que l’ACADEM vient couronner. ♦
(1) Les 21 organismes membres de l’ACADEM : Académie du renseignement, Bibliothèque de l’École militaire (BEM), Centre de doctrine et d’enseignement du commandement (CDEC), Centre d’enseignement militaire supérieur air (Cemsair), Centre d’enseignement militaire supérieur Terre (CEMS-T), Centre d’études stratégiques de la marine (CESM), Centre d’études stratégiques aérospatiales (Césa), Centre de formation des dirigeants de la Gendarmerie (CFDG), Centre de formation au management de la défense (CFMD), Centre de recherche de l’École des officiers de la Gendarmerie nationale (CREOGN), Centre des hautes études militaires (CHEM), Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations (CICDE), Chaire de cyberdéfense et souveraineté numérique de l’IHEDN, Chaire d’économie de défense de l’IHEDN, Chaire « Défense et sécurité du territoire national » de l’État-major interarmées du territoire national métropolitain (EMIA-TN), Chaire « Stratégies aérienne et spatiale appliquées » intégrée au Césa, Conseil général de l’armement (CGArm), École de Guerre (EdG), Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), Institut des hautes études du ministère de l’Intérieur (IHEMI) et Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem).