Dans la planification et la conduite d’une opération, le partage des responsabilités entre militaires et diplomates doit être clairement défini avec la recherche d’une efficacité opérationnelle crédible. Artémis, en République démocratique du Congo, a été réussie car la synergie entre militaires et civils a bien fonctionné.
Diplomates et militaires face à la guerre : négociation, action et coopération
Diplomats and Military Personnel in the Face of War: Negotiation, Action and Cooperation
Throughout the planning and conduct of an operation the division of responsibilities between military and diplomatic cells must be clearly defined in the search for true operational effectiveness. Artémis, in the Democratic Republic of the Congo, was a success because the synergy between civil and military personnel worked very well.
Le débat s’articule à partir de trois situations vécues par le général Jean-Paul Thonier ayant une très riche expérience des opérations extérieures, que ce soit en national, sous l’égide de l’ONU ou celle de l’Union européenne, commentées et développées par Claude-France Arnould, ancien ambassadeur de France en Belgique, ancienne directrice exécutive de l’Agence européenne de défense (AED) et ancienne directrice « gestion des crises et planification » au Conseil de l’Union européenne (2001-2011). Les deux premières visent à illustrer le « postulat » selon lequel le militaire s’efface derrière le diplomate en phase de négociations alors que dans l’urgence l’option militaire peut prendre le pas sur l’intérêt diplomatique. La troisième situation montre cependant que tout au long d’une crise, diplomates et militaires peuvent agir de concert et s’apporter des appuis réciproques.
Au préalable, Claude-France Arnould fait part de son expérience au Secrétariat général de la défense nationale (SGDN) (1) et au sein des structures de l’Union européenne. S’agissant de ces dernières, le choix dans le domaine de la défense a été de dupliquer en plus réduites les structures de l’Otan, nonobstant les différences de légitimité et de conception politique entre l’Otan et l’UE. Un autre choix a été de séparer militaires et civils (dont les diplomates). Cela est patent au niveau des comités : le Comité politique et de sécurité (CoPS) est composé de diplomates (un par État-membre) et se situe en haut de l’échelle, le Comité militaire se bornant à un rôle de conseil (qui sont normalement suivis). Cette situation provient d’une part, de la recopie des structures de l’Otan et d’autre part, de l’idée selon laquelle la défense est une composante des affaires étrangères. Pour Mme Arnould, le fait militaire n’est pas une partie de la diplomatie et il conviendrait de retrouver une espèce de parité, en termes de légitimité et de responsabilité, entre militaires et civils, les uns et les autres se trouvant soumis aux décisions du politique (en l’occurrence le Conseil européen).
1re situation : en phase de négociation les militaires laissent le « leadership » aux diplomates
Jean-Paul Thonier : Mi-septembre 2001, en tant que colonel je viens de prendre les fonctions de chef du Bureau Afrique à la sous-direction Relations internationales de l’État-major des armées (EMA). La question qui se pose concerne le soutien militaire que la France peut apporter aux États-Unis à la suite des attentats du 11 septembre. Le Céma a été mandaté pour faire des propositions, à partir de deux options : s’engager auprès des Américains sur le théâtre afghan dans le cadre d’une coalition ad hoc ou prendre le leadership de la lutte antiterroriste dans la Corne de l’Afrique et au Yémen à partir de Djibouti. Cette dernière option avait été travaillée avec des diplomates de la Direction Afrique–océan Indien du Quai d’Orsay. Elle a reçu un accueil favorable de la part des militaires américains, qui estimaient que notre apport capacitaire sur le théâtre afghan n’était pas déterminant alors que notre pré-positionnement militaire à Djibouti, notre connaissance et notre expertise de la sous-région étaient de véritables atouts dans la lutte anti-terroriste. Ce dossier considéré comme cohérent a été présenté début octobre en Conseil de Défense au président Chirac, avec l’autre option consistant à s’engager militairement en Afghanistan. La décision du Président a été d’être aux côtés des Américains en Afghanistan, option plus prudente et moins risquée politiquement.
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