Le chaos de la guerre est devenu réalité depuis février 2022. Il nous faut passer du tempo des crises à la capacité de répondre aux chaos frontaux. Cela nous oblige à raisonner différemment en s’inscrivant dans le temps long et en prenant en compte la complexité désormais normale. Il nous faut repenser la guerre, c’est la responsabilité de l’État-major des Armées.
Les Armées face à la contagion du chaos : les défis de l’État-major des Armées
The Armed Forces in the Face of Spreading Chaos: Challenges for the Defence Staff
The chaos of war has been with us since February 2022. We must therefore move from a tempo suited to crisis resolution to one needed to respond to frontal chaos. In turn, this means we need to think differently, of the long term, and take into account the complexity that dominates life today. We need to think again about war: that is the responsibility of the Defence Staff.
Depuis février 2022, ce qui n’était qu’un sourd et lointain grondement a fini par devenir une réalité plus palpable. Après 40 ans de paix, la « guerre d’agression », dans tout ce qu’elle a de totale et d’abject est revenue sur le sol européen. Impensé de la grande période de paix survenue sur le Vieux Continent depuis la chute du Mur et de l’URSS, la guerre est une perspective qu’il est redevenu nécessaire de devoir affronter pour nos démocraties occidentales et tout particulièrement européennes. Pour nos organisations militaires qui n’ont pas cessé de mener des opérations, c’est aussi un changement de paradigme, du fait de la mutation l’échelle des menaces et des risques dont la guerre entre la Russie et l’Ukraine est l’un des témoins.
En effet, pour les Armées françaises, la perspective de la guerre à grande échelle marque un tournant par rapport à une vision stratégique définie par la stabilité et l’équilibre. La perspective de la fin de la guerre en tant que menace existentielle avait progressivement orienté leur format et leur modèle de fonctionnement vers une forme de « normalisation » par laquelle le fait militaire perdait progressivement de son caractère exceptionnel, de sa singularité, sur fond de convergence générale des politiques publiques, la Défense n’étant qu’une parmi d’autres. Aujourd’hui, sous le vocable de « haute intensité », de « haut du spectre » ou « d’engagement majeur », les Armées expriment la nécessité pour elles de devoir se préparer à des affrontements plus difficiles dans lesquels le continuum crise-guerre, et l’extension du champ de la conflictualité à tous les domaines et tous les milieux imposent des évolutions importantes de leur fonctionnement, de leur entraînement et in fine de leur façon de s’engager.
Deux lois de programmation militaire (LPM 2019-2024 et 2024-2030) ont été votées pour donner aux Armées de la Nation les moyens d’une telle ambition. L’enjeu pour l’État-major des Armées (EMA) est désormais de réaliser un virage d’ampleur dans un monde où chaque jour le chaos gagne et dans lequel l’impensé finit par se produire. Sous l’autorité du Chef d’état-major des Armées, il revient à l’EMA de mettre en œuvre la transformation des Armées et de leurs soutiens en cherchant en permanence à anticiper pour les inscrire dès à présent dans le triptyque compétition-contestation-confrontation, formulé par le Céma dans son approche de « la guerre avant la guerre » (1).
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