Confrontation, compétition, concurrence, complémentarité… Occident et Sud global sont parcourus par des fractures complexes résultant d’incompréhensions croissantes et de remises en cause de croyances que l’on pensait solides. L’ordre international évolue brutalement désormais avec le risque de sombrer dans le chaos si l’on oublie ce qui fait l’humanité.
Occident–Sud global : le choc des imaginaires
The West–Global South: the Clash of Ideals
Confrontation, competition, rivalry and complementarity: the West and the Global South are each suffering complex fractures which result from a growing number of misunderstandings and questioning of beliefs hitherto thought to be soundly-based. The international order is evolving pitilessly, carrying with it with the risk of sinking into chaos, should we forget the essence of humanity.
Celui qui continue à penser lucidement devant le gouffre béant du monde qui s’ouvre devant nous dispose de cartes mentales conceptuelles lui permettant de civiliser les passions tristes, de reprendre pied et de s’orienter. Car le chaos qui pointe n’est pas seulement objectif et systémique : il est subjectif et cognitif. Traiter de l’histoire qui se fait impose le recours à la notion de civilisation, qui permet de se dégager des lectures économicistes et technologistes inopérantes qui prévalent dans les classes dirigeantes et « élites » mondialisées, de sorte de penser ensemble les questions culturelles, religieuses, politiques, géopolitiques et de rapports sociaux à la technique. Elle restitue les continuités et singularités culturelles, que celles-ci procèdent d’une observation géopolitique par le haut ou de constats empiriques immanents d’un professionnel des études et du conseil. Pour bien interpréter, il a fallu mettre en exergue les « imaginaires » des communautés humaines par l’intermédiaire d’une grille d’analyse ni matérialiste, ni idéaliste mais « imaginariste ». Les peuples sont mus par des subconscients collectifs, des façons de voir, faire et être, des imaginaires qui modèlent leurs représentations, institutions et activités sociales et les relations entre elles (1).
La ligne de partage qui s’instaure entre l’Occident et un Sud global semble suffisamment opératoire pour rendre raison de ce qui advient et pas seulement commenter. Partir de cette césure Occident–Sud global permet de se décentrer de soi comme occidental pour bien comprendre les autres, ce qui en retour va permettre d’apprendre de l’Occident ce que nous ignorons, pour reprendre la formule de Pierre Legendre (2). À cette seule condition, nous pourrons peut-être éviter le pire.
Si la notion de Sud global s’impose aujourd’hui dans le moment de bascule du « néolibéralisme » – dans lequel la forme l’emporte sur le fond et la règle sur le sens – dans la vie internationale comme un vis-à-vis de l’Occident, cela ne tient pas au hasard. Apparue il y a un demi-siècle, elle a réémergé pour connaître un succès grandissant dans le prolongement des COP sur l’environnement et de l’enjeu du partage de la charge financière écologique, derrière les confrontations économiques, technologiques et géopolitiques entre les superpuissances américaines et chinoises, puis de façon tragique dans le refus très majoritaire de sanctionner la Russie suite à son agression de l’Ukraine, des réactions clivées entre soutien à Israël ou aux Palestiniens suite au pogrom terroriste du Hamas le 7 octobre 2023, les prises d’otages et la réaction israélienne à Gaza causant d’importantes pertes humaines.
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