Le président Erdoğan ne cesse d’instrumentaliser l’histoire turque pour ressusciter une vision impériale de sa politique. Ainsi, il met en valeur l’héritage du passé ottoman, y compris pour mettre en scène son projet de programme spatial, outil d’une nouvelle souveraineté s’inscrivant dans le prolongement du patrimoine turc.
L’utilisation du patrimoine culturel immatériel turc dans la conception d’un programme spatial
Using Turkish Intangible Cultural Heritage in Establishing a Space Programme
President Erdogan repeatedly calls on Turkish history in order to revive his imperial vision of politics. He emphasises the value of Ottoman heritage even when presenting his plan for a space programme, seen as a tool for new-found sovereignty and the expansion of Turkish influence.
Le 9 février 2021, la Turquie a dévoilé les grandes lignes de son programme spatial pour les dix prochaines années (1). Son président Erdogan a présenté dix objectifs d’une ambitieuse feuille de route, promettant un premier alunissage à l’horizon 2023, la création d’un port spatial, ainsi que l’établissement d’une zone de développement des technologies spatiales. Ainsi, ce programme comprend l’envoi d’astronautes turcs dans l’Espace et la mise en place de nouveaux systèmes de satellites. Selon le pouvoir en place, celui-ci doit permettre à la Turquie d’acquérir un plus grand rôle dans le domaine sur la scène internationale mais aussi régionale. Pour atteindre ces objectifs, la Turquie ambitionne de concevoir un lanceur national que le Président a qualifié d’« hybride » et qui deviendra réalité grâce à une « coopération internationale » (2).
Le président Erdogan, conscient que l’activité spatiale est devenue une priorité dans l’agenda mondial, souhaite notamment déployer un système régional de positionnement et de synchronisation, un défi technologique impliquant des investissements coûteux et un nombre important d’obstacles à surmonter. Il projette de développer les applications de géolocalisation nécessaires à la défense et à la sécurité du territoire, prônant ainsi sa volonté d’indépendance vis-à-vis du GPS américain, du Galileo de l’Union européenne, du Glonass russe et du Beidou chinois. La mise en place d’une industrie de production de satellites compétitive « sous une seule autorité » et la création de l’Agence spatiale turque visent à faire du pays l’un des dix premiers au monde avec la capacité de développer des dispositifs spatiaux par ses propres moyens. Spécialisée dans la conception de missiles, son industrie de défense travaille déjà sur une famille de lanceurs spatiaux dans l’optique de présenter une première fusée nationale, qui permettra de mener à bien les différentes missions dont des recherches à la surface de la Lune.
À la suite du lancement de ce programme, et pour aider à la création d’hypothétiques prospectives sur son avenir, il est nécessaire d’étudier comment le patrimoine culturel immatériel turc est utilisé pour façonner l’univers et l’imaginaire qui lui sont liés. Afin de déterminer s’il comprend seulement une visée symbolique ou s’il est conçu comme un projet structurant, il convient d’étudier ses vecteurs de communication et donc l’utilisation du patrimoine dans leur construction. L’invocation du patrimoine dans la conception du programme spatial signe le renforcement de la cohésion nationale en Turquie et permet au président Erdogan de se positionner comme explorateur, ouvrant la voie à un nouveau futur pour le pays.
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