L’image de la puissance – La diplomatie culturelle de la France au XXe siècle
L’image de la puissance – La diplomatie culturelle de la France au XXe siècle
On sera peut-être étonné du titre de ce bel ouvrage, qui cent ans après la création de l’Association française d’action artistique (AFAA), transformée en Institut français, dresse un panorama inédit d’un aspect parfois méconnu de notre diplomatie : la diplomatie culturelle. C’est que la diplomatie culturelle, le Soft Power ou pouvoir feutré comme l’a dénommé Gérard Chaliand, influence pour ne pas dire bénéficie d’un véritable prestige, autant de synonymes pour moderniser une expression qui était devenue un peu surannée. Depuis le règne de Louis XIV, la France a l’habitude de faire partie des puissances qui occupent le devant de la scène. Certes, l’époque où l’Europe vivait au rythme des manœuvres du Roi-Soleil est caduque, mais la France reste au rang des sept ou huit puissances d’influence mondiale. Aujourd’hui, à l’aube du deuxième quart du XXIe siècle, préserver la situation et élaborer, en fonction des impératifs géopolitiques, un système de diffusion mondial de la pensée française et son parler restent les mots d’ordre de notre politique extérieure. Ce système s’appuie sur divers leviers, que décrit avec force et conviction Guillaume Frantzwa, conservateur du patrimoine au Centre des Archives diplomatiques. Les opérations de prestige sont confiées à de grands établissements – comme la Villa Médicis de Rome. Les partenariats faisant cohabiter ou voyager les consommateurs de certains secteurs comme l’enseignement et le tourisme ; le travail de sensibilisation de terrain est délégué à plusieurs réseaux parallèles, souvent – mais non exclusivement – sous le contrôle de l’État, au plus près des populations. La notion de « diplomatie d’influence » s’impose désormais à la faveur des besoins de réforme.
L’apparition d’institutions vouées à renforcer le poids de la France à l’étranger s’est faite par étapes, et en embrassant vite des champs d’action variés, dont la coordination n’allait pas de soi au départ. On découvrira une belle description de ce parcours, abondamment illustré, qui nous plonge dans une société bien différente de la nôtre. Peut-on imaginer aujourd’hui la création d’un Institut comme celui de Florence, en 1907, projet tout à fait original, car n’émanant pas des Affaires étrangères, mais de l’Université de Grenoble, ville natale de Stendhal.
Aujourd’hui, l’impératif est de trouver sa place dans un monde globalisé où les technologies et les relations se diversifient et s’accélèrent, faisant fi des distances, des décalages géographiques, climatiques et culturels. On a assisté ainsi à l’étoffement de missions scientifiques, à une implication dans l’ONU et l’UNESCO, la promotion des autres cultures avec la fondation de l’Institut du monde arabe (IMA). L’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) regroupe plus de mille établissements dans 119 pays. Aussi, en dépit de la montée d’une vive concurrence, notamment chinoise avec ses Instituts Confucius qui ont vite essaimé partout dans le monde, la France reste une référence culturelle dans le monde : la tenue des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) en 2024 lui fournira une vitrine sans égale. Sans se livrer à une énumération à la Prévert, quel pays peut-il se comparer au réseau culturel français, fort de 137 réseaux de coopération d’action culturelle, 93 Instituts français, 27 Instituts de recherche à l’étranger, 162 missions archéologiques dans 78 pays, 424 Alliances françaises, 566 établissements scolaires à programmes français, 85 agences et bureaux de représentation de l’Agence française pour le développement (AFD), 100 pays couverts par la « Team France Export » ? L’originale villa Albertine lancée en 2021 aux États-Unis, réseau de résidence d’artistes dans dix villes américaines, est la nouvelle image de la France. N’a-t-elle pas pour objectif d’offrir la possibilité aux artistes de dialoguer sur des sujets de société comme le changement climatique et les inégalités, thèmes auxquels l’Amérique doit être sensibilisée. ♦