Editorial
Éditorial
Deux ans déjà que l’Europe se levait, hagarde, au petit matin du 24 février 2022 devant les images de l’invasion brutale lancée par la Russie contre l’Ukraine. L’« opération militaire spéciale » de Vladimir Poutine devait dénazifier, démilitariser et neutraliser un État qui n’existait pas à ses yeux. Rares étaient ceux qui pensaient que les Ukrainiens allaient résister et mettre en échec une armée plus nombreuse qui se présentait comme l’héritière de l’Armée rouge, celle qui avait battu l’Allemagne nazie – en passant sous silence les transferts massifs d’armements alliés.
Deux ans après, cette guerre de haute intensité ne fait plus la « une » des chaînes d’informations. D’autres actualités semblent plus porteuses en termes d’audience. Or, ce qui se passe à l’est de notre continent reste majeur pour notre sécurité. La Russie ne doit pas gagner, mais l’Ukraine a-t-elle les moyens de se relancer après l’échec de sa contre-offensive ? Il s’agit désormais d’une guerre d’attrition où la production d’obus est aussi essentielle que le nombre de bataillons. Moscou a su réorganiser son industrie de défense en produisant massivement, malgré les sanctions occidentales et au détriment de la population russe, mais dont la résilience face aux privations est historique. La Russie bénéficie aussi du soutien iranien et nord-coréen.
Est-il possible d’entrevoir la fin de ce conflit alors qu’aucun des camps n’est en mesure de prendre l’ascendant ? Les inconnues sont nombreuses dans cette équation insoluble parmi lesquelles les élections européennes de juin avec une stratégie de désinformation-manipulation clairement assumée par Moscou afin de favoriser des partis populistes et nationalistes hostiles au projet européen. De même, l’échéance américaine de novembre s’oriente vers un duel Biden-Trump, ce dernier étant marqué par une volonté de vengeance : sa remise à plat de la politique étrangère des États-Unis sera brutale, au détriment fort probable de l’Europe et donc de l’Ukraine.
Tandis que les artilleries s’affrontent à l’Est, d’autres théâtres voient la guerre se prolonger. C’est évidemment la Bande de Gaza où l’offensive israélienne, en réponse aux attaques terroristes du 7 octobre 2023, se poursuit avec des destructions massives et l’impossibilité de parvenir à une trêve pour permettre de libérer la grosse centaine d’otages encore aux mains du Hamas et de ses alliés. C’est aussi la montée en tension sur l’artère vitale mer Rouge–canal de Suez où les attaques des Houthis depuis leurs bases du Yémen et avec l’appui de l’Iran désorganisent le trafic maritime mondial. Les risques ? Une reprise de l’inflation mondiale et une déstabilisation d’une région déjà fragile, sans parler du manque à gagner pour l’Égypte dont les revenus apportés par l’économie du canal représentent la troisième source de devises après le tourisme.
Alors, navigation à vue que ce soit en Europe de l’Est ou au Proche-Orient sans que l’on parvienne à voir au-delà de l’horizon pour trouver des solutions acceptables. Les mois à venir seront exigeants pour les nerfs de nos dirigeants… ♦