Les lignes de communication maritimes sont désormais essentielles et sont de fait vitales pour les économies mondiales. Cela oblige à prendre en compte l’accroissement des menaces directes comme en mer Rouge. La maîtrise des mers est indispensable et nécessite des forces navales plus conséquentes avec l’accroissement des tonnages des futures plateformes comme le Porte-avions de nouvelle génération (PANG) français.
Entre Varsovie et Tahiti, le caractère stratégique renouvelé des lignes de communication maritimes
From Warsaw to Tahiti, the Renewed Strategic Character of Sea Lines of Communication
Sea lines of communication (SLOCs) are essential, indeed vital for world economies. They require us to take into account the growth in direct threats, such as those in the Red Sea. Control of the seas is equally essential and requires greater naval forces and greater tonnages of future ships, such as the French new-generation aircraft carrier (porte-avions de nouvelle génération—PANG).
Jean-Dominique Merchet, journaliste et commentateur bien connu des questions de défense, déclarait le 15 janvier 2024 dans un entretien avec le magazine Le Point que, à son avis, « Varsovie [était] plus important que Tahiti » (1). Cette prise de position prend place à un moment particulier de la réflexion stratégique française. Comme chacun sait, le contexte international connaît une forte dégradation, avec deux conflits ouverts en Ukraine et au Proche-Orient, la polarisation sino-américaine et l’affirmation des puissances non-occidentales. Après une séquence politico-parlementaire ayant conduit à la publication d’une Revue nationale stratégique à l’automne 2022 et à l’adoption d’une Loi de programmation militaire (LPM) en 2023, il est démocratiquement et intellectuellement sain de constater que le débat continue sur les priorités stratégiques de la France et l’allocation optimale de moyens budgétaires rares.
Pour Jean-Dominique Merchet, il y aurait à choisir entre deux priorités géographiques, d’un côté la défense continentale de l’Europe face à une Russie agressive et susceptible d’emporter la guerre d’usure qu’elle a déclenchée contre l’Ukraine et de l’autre la projection de puissance de la France dans le monde, notamment pour défendre ses territoires ultramarins dans l’océan Pacifique. Varsovie ou Tahiti donc. Il nous semble cependant que cette alternative a le défaut de restreindre trop fortement la focale, en concentrant l’attention sur des territoires à défendre – les plaines de l’Est européen ou les îles du Pacifique – et en ne mentionnant pas les intérêts tout aussi fondamentaux de la France, mais moins tangibles et territorialisés, que sont les lignes de communication maritimes.
En effet, avant de hiérarchiser les priorités stratégiques de la France et les choix capacitaires et budgétaires qui pourraient en découler, il importe d’avoir pris la mesure des différents risques qui pèsent sur le pays. Cela nous amène à nous pencher sur le sujet à la fois classique et en plein renouvellement du contrôle des lignes maritimes. En effet, la conflictualité s’étend aujourd’hui largement en mer, comme le montre la victoire navale de l’Ukraine sur la Flotte [russe] de la mer Noire sans avoir recours à des navires, tandis que le groupe yéménite des Houthis a changé de statut géopolitique en perturbant le trafic maritime international passant par le corridor de la mer Rouge. Dès lors, pour donner à penser sur les enjeux liés aux lignes maritimes, nous reviendrons successivement sur la dépendance de nos sociétés aux mers, sur le nouvel équilibre des forces entre la terre et la mer, et sur les questions qui en découlent pour les forces navales française et européenne.
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