Editorial
Éditorial
L’année 2024 est celle des guerres en Ukraine et au Proche-Orient, avec un monde fracturé, divisé et aux antagonismes ravageurs. Et le paradoxe est que c’est aussi le 75e anniversaire de la création de l’Otan. L’Alliance militaire créée hier pour contrer la menace soviétique, alors en pleine expansion, est aujourd’hui à nouveau mobilisée pour contraindre la Russie à cesser sa guerre d’annexion contre Kiev. Un anniversaire qui sera célébré à Washington, alors même que les États-membres européens s’interrogent sur le futur du lien transatlantique à l’aune des prochaines élections américaines de novembre.
Autre paradoxe, la question de la relation entre la France et l’Otan (1). Certes, Paris est membre fondateur depuis 1949, mais le débat reste à la fois permanent et clivant sur la nature de cette relation si spéciale, notamment depuis l’avènement de la Ve République voulue par le général de Gaulle. Aujourd’hui encore, l’Otan est presque un ovni au sein de notre écosystème de défense, entre ceux qui considèrent que l’indépendance de la France n’est pas compatible avec la participation à l’Alliance et ceux qui estiment que cette dernière est un multiplicateur de puissance et que nous devons d’ailleurs y accroître notre présence pour mieux peser dans les décisions. D’où l’intérêt du dossier de ce mois s’appuyant sur un colloque organisé par l’École de Guerre qui revient sur ces 75 années qui ont profondément marqué le « Vieux Continent » sans oublier les États-Unis, primus inter pares.
À l’heure des nouveaux défis imposés par la Russie principalement, autant que par les tensions croissantes émanant des puissances révisionnistes et désinhibées comme la Chine, l’Iran ou encore d’autres, l’Otan se révèle à la fois indispensable mais aussi complémentaire de l’Union européenne. Certes, celle-ci est d’abord une construction économique et politique, elle a néanmoins pris conscience du besoin d’affirmer sa puissance géopolitique. Avec une certitude, la guerre imposée par Moscou a obligé tant l’Otan que l’UE à se réveiller et accroître leurs efforts de défense – en jouant d’ailleurs la complémentarité. Certes, il reste encore beaucoup de chemin à accomplir, toutefois nul ne saurait nier l’importance des deux organisations, y compris pour la France si soucieuse de conserver, à juste titre, son autonomie de décision. Là encore, notre pays apporte une dimension très spécifique par ses capacités militaires, ainsi que par sa volonté de continuer un rôle majeur dans les affaires du monde, sachant que ce rôle passe aussi par notre aptitude à travailler en coalition avec nos partenaires. L’Otan est ici un intégrateur essentiel, en particulier pour garantir l’interopérabilité des forces, gage indispensable pour obtenir la supériorité sur les théâtres d’opérations.
Dans un monde incertain, l’Otan a su s’adapter parfois au gré des circonstances de l’histoire. Il est à espérer que ce projet ambitieux se poursuive pour le bien commun. ♦
(1) La RDN avait une chronique « Otan » de 1952 à 1967, signe de l’importance de l’Alliance pour notre défense, en particulier sous la IVe République.